Lucarne

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2009 mar. 12

Gossip Girl, xo xo

Gossip_girl.jpg Un teen soap drama dans le petit monde bourgeois de New-York, adaptation d’une œuvre issue de la chick lit’. Décrit ainsi, Gossip Girl n’allait intéresser (presque) personne. Et le show ne se limite pas à ce seul écueil potentiel. Introduction d’un outsider du peuple d’en bas dans ce milieu fermé pour orchestrer le choc des valeurs attendues. Un adolescent beau gosse, intelligent, accompagné d’une sœur plus jeune, wannabe féroce. L’idée même semble être un suicide artistique. Le petit miracle tient en un nom : Josh Schwartz. Producteur exécutif ou showrunner derrière des séries comme The OC (aka Newport Beach en vf) ou Chuck. L’homme parvient, grâce à un talent déjà éprouvé sur The OC à transcender l’œuvre originale de Cecliy von Ziegesar et le teen soap.

Dans ce microcosme luxueux et scintillant, on suit les romances d’une poignée de nantis. Ils incarnent chacun une facette particulière que l’on se fait du petit bourgeois. De la poupée/peste pourrie gâtée (Blaire Waldorf) au jeune prodige (Nathaniel Archibald), de la sulfureuse diva en quête de rédemption (Serena Van Der Woodsen) à l’héritier pervers et manipulateur (Chuck Bass). En découvrant ainsi ces portraits, on pense à la relecture des Liaisons Dangereuses de Cruel Intentions. Blaire en Kathryn Merteuil et Chuck en Sebastian Valmont. Même usage du sexe et de la séduction comme arme. Même relation ambigüe. Dans un univers tout aussi opulent, mais en plus moderne, donc délurée, tape à l’œil.

Gossip Girl, c’est d’abord une voix. Celle de Kristen Bell. L’icône, à jamais Veronica Mars dans l’inconscient collectif. On la retrouve (faible récompense), génie du complot, dévoilant les coulisses. Une Vox Populi. Mais restreint au petit monde de l’Upper East Side et Constance/St Jude, son école huppée. Gossip Girl, le blog des ragots. Créations de mode, outil d’influence, suppression de réputation. L’arme absolue. Tenue par une inconnue, et dont on ne saura jamais rien. Parce que qui se cache derrière ce blog n’intéresse personne. C’est ce qu’il diffuse qui accapare toute l’attention. Car qui alimente le blog ? Les victimes/bourreaux/témoins eux-mêmes. La voix n’est que l’intermédiaire. Un outil de propagande.

Le show s’applique à rejouer les grandes et épiques tragédies à l’échelle de cet adolescent huppé new-yorkais. Aveugle du monde extérieur, sauf quand celui-ci tend à le rattraper. Ici, tout le monde affiche un masque. Attendu, promis, dans une conformité communautaire qui pratique le culte de l’apparence comme une religion. La série use de cette imagerie convenue, non pour la déconstruire, mais pour y jouer avec, comme un chat avec une pelote de laine. Il s’agit d’appliquer un regard amusé, mais jamais moqueur. Comprendre que même les riches ont leurs problèmes et le droit d’être malheureux. Que naître avec une cuillère d’argent dans la bouche, ne va pas mener à la parfaite existence. Et que cette liberté toute permissive faite d’absentéisme parentale n’est qu’une illusion orchestrée par ces derniers, qui conçoivent leur progéniture comme des marionnettes dont ils ont déjà tracé leur futur. Le pouvoir et l’argent étouffent autant qu’ils permettent, et libèrent moins souvent qu’ils conditionnent.

Le spectacle proposé est souvent pathétique, fait de petits coups bas et autres humiliations publiques. Se dégage un souffle destructeur incarné par les deux plus grandes personnalités du show : Blaire et Chuck. Le couple exprime toutes les qualités que l’on trouve à Gossip Girl. Bitchy, féroce, où la vulgarité s’exprime avec la classe d’une noblesse dépravée. Ils vivent dans une forme de théâtralité constante, à la mise en scène élaborée, dans le rôle de leur vie. Pourfendeurs de modes, instigateurs des pires méfaits, ils représentent la nature même du show. Et transforment ce mouvement pathétique surréaliste en un spectacle jouissif et ludique. L’intérêt de Gossip Girl tient en cette fragile équation.

Ce qui intéresse dans Gossip Girl ne sont pas les romances interchangeables d’une poignée d’adolescents ou un quelconque discours social (ce que les auteurs évacuent rapidement), mais les tentatives de mise à mort de la réputation. Si à travers tous ces signes extérieurs de richesse et ce ton superficiel, dédaignant et snob pouvaient rendre la série détestable, Josh Schwartz manipule ces ingrédients comme un alchimiste pour les transformer en un spectacle de gladiateurs. La mode – et Gossip Girl est devenu un vecteur des nouvelles tendances du prêt-à-porter – a remplacé les armures et les téléphones portables, les épées

2009 mar. 3

24 07x05 : 12 pm - 13 pm

24.jpg Une heure peu garnie. Les scénaristes soufflent. On demeure dans une continuité un peu statique. Où certaines choses ne doivent pas aller trop vite. Du coup on attend. Avec des petites discussions sans importances dans les bureaux du FBI. Petites histoires de coucheries. Une énième sentence sur la torture. Finalement, comme le procès de Bauer n’a pas eu lieu, les auteurs décident de reporter cette attention sur tous les personnages. Véritable cheval de bataille pour la réhabilitation. Non, 24 ne faisait pas l’apologie de la torture, et on vous le prouve ! Où comment la presse, les réactions médiatiques sont venus contaminés la créativité du pôle artistique. Comment, après l’ère Bush, on tente une approche plus défendable, maintenant qu’Obama est au pouvoir. Une nouvelle orientation pour 24 ? On se rachète une conscience.

Devant l’agonie du président sangalais et sa femme, on ne ressent pas la moindre émotion. Car on sait comment tout cela va se finir. Tony nous avait prévenu : sans lui, pas de CIP device et donc, pas de saison ! Nouvelle preuve qu’un procédé scénaristique basé sur le suspense peut finir par annihiler ce suspense. L’effet qui se retourne contre lui-même. Et tout cela a commencé dès la seconde saison. La suite ? Un remake de la première saison : on troque Nina pour une Walker. Fausse mort, vrai faux bad guy.

Chloe et Buchanan aux abonnés absents. On le remarque seulement quand l’épisode s’achève. Pour une fois, on laisse le spectateur à ses seuls commentaires. Sans l’une ou l’autre pour nous souffler la réplique. Chose à laquelle ils étaient cantonnés et limités.

2009 fév. 28

The Wire, saison 01 : Enquête sur le fil

The Wire La découverte a posteriori d’une œuvre unanimement encensée entraîne souvent la déception. Un mal récurrent qui contamine le spectateur retardataire et dont le principal symptôme s’exprime par : « c’était très bien, mais… ». La réputation concernant The Wire n’est plus à décrire. Souvent citée en référence dans le genre policier, le show s’inscrit dans cet âge d’or de la chaîne HBO. Accompagnant ainsi les Soprano, Six Feet Under, Sex And The City. Alors on fait comme tout le monde. On prend le train en marche. Fasciné par ce buzz, la curiosité trop forte, l’œuvre trop tentante. Avec toutefois ce léger recul, position défensive, sens en alerte. Un peu suspicieux devant tant d’éloges.

Pendant quelques années consécutives, Baltimore a tenu une première position nationale. Le taux de criminalité le plus élevé et le nombre d’enquêtes non résolues. On se passerait bien de certains records. La ville souffre d’un profond désordre social. Où la politique républicaine cultive la misère avec près d’un quart de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Baltimore a déjà servi de cadre à une immense série policière immersive : Homicide. Cette dernière proposait de suivre la brigade criminelle dans son rapport quotidien. Loin des traitements sensationnalistes d’autres séries du genre. Les enquêtes s’étalent sur plusieurs épisodes. Et certaines ne connaîtront aucune résolution. Le métier de flic apparaissait anxiogène, renforcé par un filmage caméra portée et un montage usant de jump-cut.

The Wire est le plus bel héritier que l’on pouvait donner à Homicide. Même traitement frontal et immersif, même volonté d’effacer tout le glamour qui entoure le policier à la télévision. Ici, le métier est ingrat, pénible et fastidieux. Paperasserie étouffante, matériel usé, environnement précaire. Et dépense constante d’énergie à lutter autant contre sa hiérarchie que contre le crime. The Wire narre une affaire de trafic de drogue et son infiltration. Tout le principe de la série est d’étirer la narration. De faire d’une enquête, toute une saison. A l’image d’un Murder One, qui consacrait 22 épisodes pour une seule affaire. On y ressent la lente et lourde progression et l’ampleur de la tâche. D’observer la réalité d’un travail douloureux, qui vampirise le quotidien des personnages. Et de ressentir la progression comme un spectacle à la fois excitant d’un point de vue dramatique et effrayant par le réalisme qui se dégage de l’œuvre.

Il existe un univers HBO. Les différentes séries de la chaîne ont toutes un ou des créateurs différents, on note néanmoins une méthode dans l’approche des programmes. Une notion de la narration particulière, qui rend ainsi les séries reconnaissables sans le célèbre sigle. Une démarche inconsciente ou une liberté permissive autorisent ainsi des développements singuliers, faits de digressions magnifiques, élément constitutif de la réussite du show. Des séquences suspendues dans le temps, où se diffuse un sentiment de proximité, de réalisme, comme une captation brute du réel. Observer le dealer choisir sa tenue dans sa garde robe, multipliant les essayages, est symptomatique de cette impression. La scène ne sert à rien. Aucune information nécessaire à l’enquête n’est utile. Dans toute autre série, elle serait évacuée ou occultée. Mais dans The Wire, on la conserve et on lui accorde de l’importance et de l’intérêt. Parce que sa vision permet de capter le quotidien d’un dealer, dans sa représentation la plus basique. Le regard de la série n’est pas porté sur la seule profession de policier. David Simon et Ed Burns imaginent le tableau dans son ensemble. Où le dealer, dépouillé de cette aura cinématographique, apparaît vulnérable, humain, loin des clichés.

Dans un mouvement similaire, on pense à la séquence de la reconstitution de McNulty et Bunk. Moment magique, représentation du travail à l’œuvre. Un peu hors du temps, sans chronologie fixe. Et d’une force, d’une puissance qui scotche le spectateur à son fauteuil. Une simple reconstitution, un peu drôle par la répétition des fuck au fur et à mesure des découvertes. Mais sa progression, l’absence de dialogue, son importance dramatique constituent une cartographie de la méthode d’écriture des deux créateurs. Une narration exigeante, loin des standards de la télévision. Et un regard à l’esthétisme minime, pour mieux focaliser l’attention du spectateur sur l’importance de la découverte. Dans The Wire, la moindre trouvaille, le moindre petit embryon de preuves sont cruciaux. Monter un dossier solide pour supporter la défense au tribunal réclame un travail acharné. Quand on tient une de ces informations, on l’arrache et on s’y tient plus que tout. Le show montre aussi bien le désespoir qui anime les policiers que l’euphorie qui les unit devant la réussite. Et de l’autre côté du spectre, la rudesse d’un monde de violence, l’apathie qui règne entre les rangs des dealers. Devant une apparente camaraderie sincère, l’illusion tombe quand il s’agit de se soumettre aux ordres. Parfaites petites troupes, comme autant de chair à exploiter, manipuler ou sacrifier.

La création de Simon et Burns ne fera pas école. Trop complexe, trop riche et dans une conception qui dépasse les codes du genre. Son approche rigoureuse et exigeante peint le portrait réaliste d’un métier difficile. Olivier Marchal, dans une interview, expliquait comment il se sentait obligé de manipuler la réalité. Soumission du créateur ancien flic devant les exigences du monde du spectacle. Impossible de montrer à la télévision de longues enquêtes ? Obligation d’une accélération narrative pour faire tenir en un seul épisode le processus entier ? Si ce traitement est effectivement courant (il faut voir tous les CSI, Cold Case, Without a Trace, L&O…), The Wire et avant elle, Homicide, prouve le contraire et casse cette sacro-sainte vérité. David Simon et Ed Burns ont prouvé que l’exposition d’un système lent, la complexité de l’enquête, constituaient un angle d’attaque viable. Et c’est peut-être ce qui manquait au genre. Une nouvelle façon de repenser la construction d’une série policière qui se voit comme un ensemble compact, plutôt que l’assemblage d’éléments (épisodes) distinctifs qui la constituent.

2009 fév. 26

24 07x03 - 07x04 : 10 am - 12 pm

24.jpg Frilosité quand tu nous tiens. Après le procès avorté, la nature de Tony. Trop compliqué d’en faire un vrai bad guy ? Simple usine à buzz, histoire de faire monter les enchères d’une bande annonce savamment orchestrée. Il faut croire que le pôle publicitaire est plus inspiré et audacieux que celui créatif. Tony, vrai faux méchant. Tout comme le procès, on alimente quand même un peu. Il a été méchant. Plus maintenant. Bill et Chloé de retour. La famille réunifiée.

Le sentiment d’abandon. On refuse tout changement. On brade l’originalité pour la formule. L’identité de 24, c’est son procédé et Jack Bauer. Le reste est accessoire. Mais les scénaristes n’y croient plus. Alors, on invite les visages connus. Et on créé un groupuscule de poche pour sauver la planète. On agit en marge. On est en dehors du système pour vaincre le système. Pour défendre la démocratie (sic), il faut employer les mêmes méthodes que ses opposants. Presque. On ne bafoue pas vraiment les lois, on les oublie. On regarde à côté, juste un moment. Parce que ce que l’on fait est noble. Et notre conscience claire.

Jack et Tony, la dream team is back ! On veut nous donner ce que l’on a tant aimé. Nous faire revivre les gloires passées. Alors on arrondit les angles pour s’accommoder de la réalité. Dans 24 plus qu’aucune autre série, les scénaristes sont dieu. Ils jouent avec les destins. Avec la fatalité. Mais surtout, ils replient la réalité, le temps sur lui-même, pour faire illusion. Le temps ralentit, le temps accélère. Le temps s’adapte aux déplacements. L’espace se compresse. DC est tout petit. DC est immense. Seul le compte à rebours reste constant. Seule valeur refuge. La seule chose qui n’a pas changée dans 24 et sur laquelle on peut (dé)compter.

Sinon, le manège tourne toujours dans le même sens. L’éthique présidentielle devant l’absolue. Sauver qui ? Combien ? Le contexte change, la nature du problème reste la même. Chantage, décision impossible. Et comme toujours, le ver est dans la pomme. Conseillers, traître, agents double. Le plus grand ennemi des USA, c’est elle-même. 24 ne cesse de nous le rappeler.

2009 fév. 24

Rome , saison 01 : Luxe & Décadence

Rome La fresque historique s’invite dans la lucarne. Initiative de la chaîne HBO. Projet ambitieux de vouloir ainsi revisiter la Rome de Jules César. Son apogée comme sa décadence. Après la mythologie du grand ouest (Deadwood) et son regard réaliste, c’est aujourd’hui au mythe romain qu’elle s’attaque. Avec ce même objectif en vue : mettre en image l’Histoire, sans paillette, ni éclat.

L’ampleur impressionnante de la reconstitution comme représentation d’une ville démiurge.

Rome ne pouvait bénéficier d’un traitement plus timide. Retranscription de sa folie, sa grandiloquence et son impérial sentiment de supériorité. Mais au détour des luxueuses bâtissent, se découvrent les ruelles sombres et purulentes. De cette partie de la population que l’on cache. Le célèbre antagonisme du peuple d’en haut face aux gens d’en bas. Rome comme Deadwood se sert de l’Histoire pour présenter les maux du monde moderne. Stigmate de l’ère Bush, où la série dresse le portrait d’un dictateur menant une guerre illégale pour asseoir son emprise sur le monde, dont il s’est proclamé empereur.

Ce miroir offre un champ de réflexions comparatives riches et foisonnantes, mais alourdit le show d’une caution envahissante. La série s’asphyxie lorsqu’elle se drape dans la reconstitution pure et théorique. Rome gagne un souffle salvateur dans ses échappées vers des figures anonymes. Elle retrouve une flamboyance, une incarnation à revisiter l’Histoire. Quand elle s’agenouille devant le diktat des manuels scolaires, le show tombe sous le joug de la lourdeur documentariste.

La série gagne, ainsi, à bannir les scènes spectaculaires des grandes batailles pour se consacrer à l’envers du décor. Plus que la guerre, ce sont les grandes conspirations qui intéressent les auteurs. Celles qui se déroulent dans la chambre à coucher. Davantage que les vains discours et discordes du Sénat. Aussi, le sexe devient la monnaie d’échange ou l’arme privilégiée pour arriver à ses fins. Il s’exporte jusque sur les murs de la ville. Comme autant de tags grotesques et caricaturaux. Il est adapté au théâtre où des comédiens, munis de phallus disproportionnés miment les grands noms politiques en pleine action. Et les coïts et conspirations se mélangent et ne se discernent plus. Jamais une série ne se sera autant reposée sur la représentation du sexe comme vecteur de narration. Et fait ainsi des coucheries diverses, les moteurs d’intrigues de faits historiques (une chose que reprendra The Tudors, par exemple).

Le format de douze épisodes, pour embrasser une période aussi importante, oblige les scénaristes à jongler avec de larges ellipses. La narration ainsi restructurée se pare d’une évolution hasardeuse. Découpage trop stricte en épisodes comme autant de chapitres. Le classicisme du procédé enterre toute notion de suspense et la tension dramatique s’en trouve allégée. On regrette que les auteurs n’aient pas privilégié une direction plus audacieuse. Mais Rome bénéficie d’incroyables richesses, affichant une ambition rare. Distinction – d’ordinaire peu mémorable – de série la plus chère jamais produite. Une fois n’est pas coutume, les moyens apparaissent à l’écran et participent à la réussite émérite du show. En effet, Rome brille par sa capacité d’immersion dans cette cité opulente, où la ville devient son personnage principal.

2009 fév. 20

Dexter 03x10 : Go your own way

Dexter Les dernières images de cet épisode mettent en lumière un défaut latent de cette troisième saison. Le bloc n’est pas aussi compact que les années précédentes. Ces deux saisons démontraient une rigueur incroyable, construites autour d’une thématique définie. Elles s’orchestraient en crescendo. Montée proportionnelle dans l’emphase qui culminait dans un final opératique. Or, cette présente année, le rythme et l’évolution se font plus hésitants. La vision d’ensemble peine à se définir. Et le suspense est délaissé pour une variation autour de la chronique, dans des enchaînements plus évasifs et moins subtils. Et dans la conclusion de cet épisode, cet effet s’exprime par la soudaine relation entre King et Prado.

Les première et seconde saisons exprimaient ses révélations avec le souci d’une logique interne, comprise à posteriori. Et l’on observait converger en un seul point, divers élément développés en amont. Ce soudain plan de Prado débarque sans réelle pertinence. Il témoigne d’une facilité scénaristique pour résoudre les deux points centraux de cette saison en une seule prise. Cause d’un développement distinct et sans relation définie des deux intrigues. Leur autonomie rompait l’habitude narratrice et expliquait ce rythme différé (éléments distinctifs soulevés plus haut). Un peu boiteux dans la démarche, mais révélateur d’une série arrivée à ce stade de réussite : elle peut se permettre de prendre une année entière pour développer sa figure centrale, délaissant les schémas qui ont fait sa renommée. Dexter n’affronte plus un autre serial killer – son frère dans la première saison, lui-même dans la seconde – et cette récupération, arrivée presqu’au terme de l’intrigue, sonne comme un coup opportuniste.

Il semblerait que les auteurs aient du mal à concilier le thème central de cette saison (l’héritage) aux autres personnages impliqués. Si Miguel Prado est un formidable adversaire, digne de Dexter, il fallait trouver une solution pour impliquer les personnages secondaires. Si le point initial, la mort du petit frère Prado orchestrait une nouvelle chasse à l’homme, les scénaristes ont choisi de réorienter le récit convenant à l’évolution logique de sa figure centrale et éviter les redites. Seulement le virage laisse l’entourage de Dexter sur la touche. Vient ainsi se greffer l’intrigue autour du skinner. Ces deux éléments sont trop distinctifs dans leur évolution respective pour se dresser naturellement dans le tableau final.

A l’image d’un Miguel Prado désespéré, les auteurs semblent jouer leur vatout. Et répondent aux sirènes si tentantes du sensationnalisme. Si le résultat à venir promet d’être excitant, on peut se demander s’il n’y avait pas un coup plus intéressant à jouer. Et pour une fois, laisser s’organiser deux beaux finals distincts, à l’image de cette saison.

2009 fév. 18

Damages 02x02 : Burn it, Shred it, i don't care

Damages.jpg La prudence. Celle qui fait avancer à petit pas. Sans prendre le risque de trop se dévoiler. Les scénaristes semblent jouer leurs cartes avec une grande retenue. Ainsi, quand ils ont trop dévoilé leur jeu, ils se défaussent rapidement (le faux procès du FBI, pratique aisée). Pour mieux se concentrer sur la big case. Et l’on sent les auteurs bien plus à l’aise quand il s’agit de perpétuer une recette éprouvée. Maîtrise totale de l’exercice. A coup de bluff made in Patty Hewes. L’arroseur arrosé, tel est pris… On replace les pions sur le grand échiquier et l’on s’apprête à mettre en place sa tactique impitoyable.

Tout le monde cache bien son jeu. De tous les côtés. Les auteurs aiment avoir plusieurs coups d’avance. Et de surprendre ainsi le public. On se souvient encore du résultat de la première saison. On aimait se faire prendre au piège. Passif et attentif d’un récit qui savait ménager ses révélations. Certaines ficelles étaient un peu grosses. Le résultat parvenait toujours à réaliser son office. Aujourd’hui, on est peut-être plus exigeant. On épie chaque petit détail. On élabore davantage de plus amples théories. On comprend le rouage, alors on tente de faire fonctionner la machine. Avec plus ou moins de résultat. Seul l’avenir nous le dira. Et l’on peut dire que cette entrée en matière, si elle ne déçoit pas, affiche des prétentions bien trop sages. Peut-être sommes-nous impatients ?

Du côté du flash-forward, c’est toujours l’inconnu. Auto-préservation. Assez indigeste dans sa forme (errances chromatiques, répétitions) et révélation froide et convenue (la relation évidente et prévisible dès le premier épisode entre Oliphant et Ellen).

Deux séquences, au cours de cet épisode, trahissent la rigueur qui caractérise le travail des scénaristes. La rencontre entre le fils de Patty, Michael et William Hurt. Appuyé trop lourdement pour laisser planer le doute. On se demande alors pourquoi une énigme est entretenue autour d’un passé commun entre Patty et ce dernier. Tant il convient que ce fameux lien est personnifié par Michael. La seconde, plus impardonnable, parce qu’elle verse dans le mauvais goût : Chez Oliphant, après une conversation avec Ellen autour du motif de la vengeance et de ses méthodes d’exécution ; il ouvre un placard et laisse apparaître une imposante collection d’armes à feu et de coupures de presse au son d’un improbable morceau de métal. En total rupture avec la tonalité générale de la série, mais surtout de la scène. Car cette énigmatique et violente pulsion de musique rompt la partition classique que l’on écoutait jusqu’à présent. Dans une autre série que Damages, on aurait pu prétendre à la blague, la parodie, le second degré. En l’état, c’est ridicule.

2009 fév. 16

CSI, erreur relevée : Anomalie (2nd partie)

CSI.jpg UNE ANNONCE FROIDE ET DESINTERESSEE

Enfin, vient le temps de la décision. Et des adieux. Dans sa forme, le départ de Grissom est orchestré comme les différents évènements relatés dans cet article. Le mariage de la rigueur professionnelle stricte et d’un débordement sentimental brut. La situation initiale convoque de vieux souvenirs : la séquence de répartition des affaires. Depuis quelques années, les scénaristes avaient délaissé ce procédé pourtant significatif de l’univers du show. Comme une marque de fabrique que l’on abandonne par lassitude. Une fois les papiers distribués, Grissom annonce de but en blanc son départ à la retraite anticipé. Sans prendre de gants, sans débordement affectif. L’annonce la plus froide et désintéressée de la télévision.

Cette mise en scène correspond bien à la personnalité de Grissom et par extension, à celle de la série. Si l’on s’attarde quelques temps sur le visage des différents collègues, on enchaîne vite sur l’enquête du jour. Une nouvelle fois, les quelques sentiments personnels sont convoqués au second plan, seul l’aspect professionnel importe. Evidemment, l’épisode est ponctué de petites discussions/hommages à cet homme important. Lui, qui incarnait l’image de CSI, bien mieux que ces homologues des séries annexes. C’est une figure des années 2000 qui tire sa révérence. Après Vic McKay (autre genre de flic, aux antipodes), Gil Grissom disparaît des écrans.

L'EMOTION EST UNE ANOMALIE

Les dernières images de Grissom dans le Lab’ sont significatives et porteuses de la toute la mythologie du show. Démarche lente, comme au ralenti, comme une dernière visite. Un dernier regard à ses anciens collègues. Sa famille. Sans un mot, il s’éloigne seul. Personne ne l’arrêtera. Tout le monde est occupé à travailler. Seule Catherine lui jettera un dernier coup d’œil. Avec un seul sourire en guise d’adieu. La mise en scène donne l’aspect solennel indispensable. Sans sursignifier une symbolique déjà forte. Elle souligne le caractère immuable d’une dévotion professionnelle. Tous ces corps qui s’agitent, comme des fourmis au travail, n’existent que dans la pratique du labeur. Et lorsqu’un élément imminent s’en va, il n’y a pas de temps à lui consacrer. A défaut de la vie continue, on emploiera le travail continue .

L’épilogue constitue alors le dernier contrepied de la politique du show. Retrouvailles forte en émotion, digne des plus classiques mélos, dans la jungle argentine. Un pic émotionnel sans retenue. Un peu maladroit par défaut, car les auteurs/réalisateurs n’ont jamais eu à écrire/diriger de telles séquences. L’aventure Grissom s’achève sur le premier et véritable épanchement émotionnel. Comme pour signifier, qu’à présent, le personnage est changé dans sa nature, qu’il n’a plus sa place dans le show. Tout comme le départ de Sarah impliquait le même raisonnement. Dans CSI, l’émotion est inscrite comme une anomalie qu’il faut corriger.

CSI 2.0 ?

Après neuf années de bons et loyaux services, une page importante des CSI se tourne. Pour commencer un nouveau chapitre, les auteurs ont décidé de placer un nouveau personnage dans l’exercice de l’apprentissage. Une personnalité à la fois érudite et expérimentée, mais novice dans l’exercice du métier d’expert scientifique. Une façon de relancer le show avec une nouvelle configuration. Comme une évolution naturelle. Avec cette soudaine orientation, la série entre dans un nouveau schéma : celui de la série-monde, où une nouvelle génération succède à l’autre.

2009 fév. 15

24 07x01 - 07x02 : 08:00 am - 10:00 am

24.jpg

Commencer une nouvelle saison par son procès. Constat d’échec ? Peut-être était-il tout simplement temps de répondre à toute cette agitation au sujet de la torture dans 24. Simple outil narratif, vraiment ? En tout cas, il n’y aura pas de regret. « On a fait, ce qu’il fallait faire ».

Les raccourcis dans 24 ont à la fois permis de faire tenir les intrigues, tout en les entraînant vers le bas. Nouvelle preuve, le procès n’aura pas lieu. Ou plutôt, si, demain, même heure. Autant dire quand la saison n’existera plus. Un peu timide les explications. On n’assume pas autant que l’on voudrait le croire ? Besoins irrépressible de revenir vers l’action. Jack sur une chaise, voilà un spectacle que personne ne voudrait voir. Et pourtant. En tant que chaire à sacrifier, « individu fonction » ou simple « corps héro », il y avait tellement à dire dans ce tribunal. Et de voir une menace prendre forme dans le dos de Jack, et ce dernier impuissant pris entre les mailles d’un filet judiciaire aussi injuste que nécessaire, avaient quelque chose de dissident dans la structure de la série.

Mais on troque le défunt CTU pour les bureaux du FBI. Pas sûr que l’on gagne au change. En tant qu’élément narratif, la CTU avait depuis bien longtemps passé la date de péremption. Seulement le bureau, n’est qu’une autre administration américaine présentant les même maux. Taupes, agents infiltrés...seule la sonnerie du téléphone a changé.

On nous annonçait du changement. C’est pourtant la même valse que l’on joue dans ces deux épisodes. Lieux communs, passages obligés. Rien dans la forme, ni dans le fond n’a changé. Tout juste le contexte, et sinon la ville. Jack fait du Jack, en deux heures, il a gagné l’autonomie, mené la barque jusqu’à son but. Première mission achevée. Tout est allé très (trop) vite dans la première heure. Tout s’est (trop) calmé dans la seconde. A côté, Madame la Présidente prépare une guerre (for the greater good, of course), le mari mène sa vendetta, et les méchants complotent.

24 heures, un jour sans fin. On ne célèbre plus la marmotte, mais la démocratie et les USA.

2009 fév. 12

CSI, erreur relevée : Anomalie (1ère partie)

CSI.jpg Dans une machinerie aussi millimétrée que celle de CSI, la contemplation est apparentée à un grain de sable venu enrayer son bon fonctionnement. Après plus de neuf années, les scénaristes ont orchestré un magnifique effort composé du plus beau grain.

Le cahier des charges, strictes, ne laissent aucune place au superflu. L’efficacité comme maître mot impose de la rigueur et une marge de manœuvres restreintes. Tel est l’adage de CSI. Où chaque séquence de l’épisode est dédiée à la grande œuvre. On pouvait noter, toutefois, deux exceptions dans les années passées. Mais deux faux exemples. Quand deux réalisateurs de cinéma sont invités à mettre en scène un épisode, les règles d’or s’estompent au profit du nouvel hôte et de ses principales aspirations. Des dialogues tarantinesques dans le final de la saison six, et une séquence éthylo-narcotique pour le Friedkin de la huitième.

ACTE DOULOUEUX DE REBELLION

Second épisode de la neuvième saison. Après le traumatisme imposé par la mort violente de Warrick Brown, place au spleen. Le contre coup. Sarah et Grissom sont au lit. Le téléphone sonne. Mais aucun d’eux ne semblent vouloir répondre. A cet instant bien précis, la série va à l’encontre de sa propre nature. Comme acte parfait de rébellion. Toute l’existence de CSI se résume autour de la profession. On ne s’intéresse pas ou peu aux vies privées, seule l’incarnation scientifique importe. Les personnages sont des corps au service de leur métier. Leur abnégation dépasse de loin toute considération intime. Leur famille est aussi leur collègue. Warrick ne vient-il pas de confesser, l’épisode précédent, qu’il voyait Grissom comme son père de substitution ?

UN SEISME BOULEVERSE LES FONDATIONS DU SHOW

Alors la vision de deux corps, dans ce lit, agit comme un électrochoc. Ou un salut. La série impose, pour la première fois, une émotion naturelle et imprévisible. Non issue d’une enquête éprouvante, mais de la réaction humaine à un évènement traumatique. Et par extension, cette brusque irruption de créer son reflet cathartique. La lassitude de voir se répéter, neuf années durant, la même routine ? Pour le spectateur, non, les chiffres témoignent du contraire, mais en ce qui concerne Grissom, et peut-être Sarah avant lui, le doute n’est pas permis. Lui qui incarnait la perfection de l’imagerie thématique de la série – aucune ambition professionnelle, corps dédié, misanthropie – se pare ici du voile de l’asthénie.

Cette soudaine procrastination provoque un séisme qui bouleverse les fondations du show. Le dialogue entre Sarah et Grissom est moins important que l’acte : le refus de répondre à l’appel. Mais si on regarde un peu en arrière, on se rend compte que le ver était depuis bien longtemps dans la pomme. Revoir les premiers épisodes de la série démontre à quel point l’attitude de Grissom a changé. L’être espiègle des débuts a laissé place à une version presque apathique, un peu désabusé. On pense à Morgan Freeman dans Se7en. La pression du poids des années, où la routine exerce un étrange pouvoir de désillusion. Un total abandon de vagues espoirs en ce qui concerne l’espèce humaine. Trop de meurtres toutes ces années durant ont dévoré les espérances du vieux loup. On voit dans ce portrait quelques rémanences de Jack Malone de Without a trace. Sa mine droopesque, son regard un peu vide et son cynisme.

AU CHEVET DE L'INTROSPECTION

L’effet se poursuit dans les deux épisodes suivants. Encore une image de Grissom sur son lit, hésitant à répondre au téléphone. Une réflexion de Catherine un peu plus tard complète le tableau. Clin d’œil des scénaristes aux spectateurs, pour savoir s’ils ont bien suivi. Mais dans le cinquième épisode, la place laissée au doute de Grissom et son avenir au sein des CSI occupe la moitié du temps. Introspection auprès de Lady Heather sous couvert d’une enquête en cours, où le travail de recherche dissimule autant de questions et réponses autour de l’homme et son rapport à Sarah. Ponctuer ainsi l’enquête de dialogues analytiques sur l’intime, récurrence d’une vidéo de Sarah comme confession sont des éléments nouveaux et en contradiction avec la nature de la série qui avait banni ce procédé de son cahier des charges.

(A suivre...)

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