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Tag - Prison Break

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2009 mar. 26

Prison Break, chronique d'une chute (3ème partie)

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SURENCHERE, ARTIFICIEL ET EXCES

Pour gonfler artificiellement son intrigue depuis la première saison, en plus des projets d’évasions et de chasse à l’homme, les auteurs ont mis en place une sombre conspiration. L’emploie d’un tel arc narratif est toujours sujet à précaution. Car elle peut rapidement devenir incontrôlable. Au fil des années, elle a pris une place plus importante et une forme de moins en moins indentifiable. Cas d’école, où la création échappe à son créateur. A force de verser dans la surenchère, il vient un moment où l’on perd toute crédibilité. Dans une œuvre comme Prison Break pour qui le souci de probabilité était déjà mince, cela se paye par une intrigue impensable, où l’on ne s’intéresse plus à ce peut se passer et ce qui pourrait arriver au moindre personnage. On détruit toute notion d’empathie et tout ressort dramatique. Les révélations, les rebondissements, les cliffhangers deviennent inoffensifs.

Cette quatrième saison sonne donc comme la tentative de résoudre une partie des problèmes soulevés. Seulement les auteurs prennent le problème par le mauvais bout. Plutôt que de calmer le jeu et poser les enjeux de ce nouveau concept, ils précipitent et jettent de l’huile sur le feu. Tentative de retrouver l’aspect urgentiste des débuts, mais avec un contexte qui aurait mérité davantage de retenue. Passée les séquences où l’on résume en une poignée de seconde ce que personne n’était parvenu à faire en trois saisons (à savoir arrêter tout le monde – ou presque, et les réunir sous le même toit), on nous inflige cette intrigue express. Les scénaristes veulent se faire pardonner du sur place de la troisième saison, mais confondent vitesse et précipitation. Prison Break fut dans ses deux premières saisons une course contre la montre, contre le temps. Parce que l’existence même du contexte imposait ce caractère. Mais quand il n’existe plus aucune raison native, cette distinction ne sert plus à rien et vient même contredire son emploie. Position bâtarde et délicate, que même le plus chevronné des équilibristes ne parviendrait à traverser.

Prison Break investit dans la culture de la surenchère. Principe qui traduit une nouvelle fois un aveu d’échec. Où il s’agit toujours d’aller plus haut, plus loin, plus fort (trinité des suites et remakes) sans regarder en arrière. Des œillères sur les yeux, on avance droit devant en tentant vaille que vaille d’éviter les obstacles. Seulement à oublier le passé, on finit par se renier. Et pervertir des éléments mis en place plus tôt, sans le moindre remord. Série capitaliste qui a toujours misé sur le profit direct que la réussite artistique. Ce penchant mercantile se trouve illustré par le retournement de situation au 04x12 et la résurrection maternelle au 04x16.

(A suivre...)

2009 mar. 20

Prison Break, chronique d'une chute (2nd partie)

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SYMBOLISME EPIDERMIQUE

Ce 04x01 donne dans la symbolique lourde : Sona réduit en cendre, assassinat provisoire et permanent (Gretchen, Wisthler), résurrection de Sarah. Ces trois éléments qui constituaient les principaux axes narratifs de l’année passée sont réduits à néants. Rarement une série aura abdiqué devant l’échec au point de le faire disparaître. Comme si la saison était traitée comme une simple ellipse que l’on exploiterait de temps à autre pour combler un vide. Mais la série va plus loin dans l’abnégation et la métamorphose : l’éradication du tatouage de M. Scofield. Ce motif qui avait fait de la série son principal gimmick est effacé. Puisqu’il n’apporte plus aucun prétexte narratif, les auteurs préfèrent l’annihiler. Nouvelle preuve d’une tentative de se poser sur de nouvelles bases. Principe valable s’il avait été associé à une refonte de son titre. Sans forcément changer le nom de la série, un tag supplémentaire aurait été judicieux. Où alors peut-on imaginer que malgré leur liberté, celle-ci n’est que purement théorique, où même à l’air libre, les détenus sont toujours prisonniers de quelque chose. La vie est une prison dont l’évasion est perpétuelle.

En enlevant le tatouage de Scofield, les scénaristes ont, semble-t-il, voulu affirmer que son personnage principal n’était pas (ou plus) le mec intelligent qui fait sortir son frère de prison. Alors que sa fonction était gravée jusque dans sa chair, on voudrait nous faire croire à une forme de réincarnation. Bien que l’idée en soit se défend, les auteurs, en reniant leurs origines, enlèvent un stigmate du show. Et par extension, amoindrissent le pouvoir d’évocation de son personnage principal : le martyr. Ils sont alors forcés de trouver un palliatif. Comme un lapin sorti de la manche d’un magicien, le voilà flanquer d’une tumeur au cerveau. Nouvelle preuve de l’échec artistique du show ; on créé une épée de Damoclès comme un deus ex machina, prétexte à suspense inutile et effet lacrymal de pacotille.

MISSION IMPOSSIBLE

Par le dispositif mis en place, les auteurs nous lancent un nouveau message : par l’intermédiaire d’un agent de la sécurité intérieure, le groupe d’évadés ont le choix entre participer à un vaste projet d’abattre la Compagnie ou retourner en prison. Par déduction, soit la série n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était, soit on se retrouve avec une saison trois bis, et un fumeux projet d’évasion. Une forme d’alibi qui excuserait toutes exagérations scénaristiques. De la série d’évasion, on passe au récit d’espionnage. Alors qu’Alias et Chuck ont fourni une relecture respectueuse pop et ludique, Prison Break invoque les fantômes de Mission Impossible. Avec sa structure centrée sur un homme-cerveau en mode commandé (Scofield/Phelps) et une poignée d’agents complémentaires à la fonction définie. Au de-là de l’aspect improbable de la situation, se trouve alors une nouvelle dynamique. Acte salvateur en puissance qui devrait sortir la série de son marasme.

(A suivre...)

2009 mar. 14

Prison Break, chronique d'une chute (1ère partie)

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La quatrième saison de Prison Break offre un magnifique terrain d’analyses diverses mais convergeant en un seul point : son résultat catastrophique.




IL ETAIT UNE FOIS...

Son titre augurait un programme éphémère. L’évasion d’une prison. Formidable outil narratif et usine à de paroxystiques moments. Genre cinématographique par excellence (La Grande Evasion), elle tentait de s’inscrire dans l’engouement post-24 en étirant le déroulement du temps. Sans toutefois atteindre le temps réel, phénomène casse-gueule incompatible avec une évasion. Victime une première fois de son succès, voilà les scénaristes obligés de pousser l’exercice une dizaine d’épisodes supplémentaires. On y perd l’urgence matricielle et un volte face poussif, ce qu’on gagne en habile manipulation scénaristique qui consiste à tout reprendre depuis le début ou presque. Reload intramuros intéressant, et les scénaristes s’en sortent plutôt bien.

Mais la vie de scénaristes est parfois un éternel recommencement. Le projet se poursuit, malgré l’évasion du titre accomplie. On assiste alors à une des meilleures idées du moment : poursuivre l’aventure post évasion. On entre alors dans un événement intéressant : refonte totale de l’idée du show, mais dans la parfaite continuité. Comme raconter l’épilogue d’une histoire bouclée. Le fantasme du fan assouvi, qui voit se réaliser le vœu de pouvoir enfin savoir ce qui se passe après.

AUTOCOMBUSTION

La suite est une longue descente aux enfers. Un calvaire insurmontable. Pris dans une spirale sans fin, l’intrigue s’embourbe dans l’imbroglio conspirateur. Scofield contre le reste du monde. David contre Goliath. Tout comme X Files en son temps, pris en otage d’un dispositif pourtant auto-implanté, Prison Break devient un immense brouillon scénaristique. Un puis sans fond, fait de rebondissements factices comme autant de circonvolutions vaines. Les bras qui s’agitent d’un nageur en train de se noyer. On assiste impuissant et dépité au naufrage d’un concept fulgurant. Pris dans les mailles d’un filet, échoué sur l’autel du consumérisme. Celle qui fut consacrée par la presse et le public, rejoint les limbes de ces séries à combustion spontanée vouées à devenir un vulgaire feu de paille.

Lorsque la quatrième saison débute, on sent comme une volonté de la part des auteurs d’oblitérer la précédente. De sinistre mémoire, elle imposait un certain caractère conclusif. Alors cette saison 04, remake de la saison 02, comme la 03 était celle de la première ? Ce traitement en boucle comme nouvelle preuve d’un appauvrissement scénaristique supplémentaire. Tout commence donc, par un résumé en voix off. On affiche la décision de repartir de zéro, en usant du passé comme la création du contexte. Trois années réduites à quelques lignes sur un scripte. Avec en conclusion l’ironique sentence : tout finit aujourd’hui (aveu, regret des auteurs ?).

(A suivre...)