Lucarne

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2009 mai 2

Damages, saison 02 : Futur antérieur

Damages.jpg Damages nous rejoue le mythe d’Icare. Après avoir tutoyée les cimes d’une intrigue labyrinthique, la série chute. Trop près du soleil, la première saison ? Etre parvenu à s’élever au dessus du lot annuel de séries fut déjà une belle prouesse. Dans le contexte morne de la grève, son format lui permit d’assurer jusqu’au bout. Et même un peu plus loin. Seulement le challenge de maintenir l’altitude sembla trop grand. On se disait, avec naïveté, qu’après une telle maîtrise, les scénaristes savaient quelle direction prendre, qu’elle traitement appliquer. Toute cette première saison ne pouvait être un accident. En écrivant cette fin ouverte, ils s’entrouvraient la possibilité d’inscrire leur nom à la postérité. On a parié sur le mauvais cheval. Et si cette seconde saison n’efface en rien les qualités de la précédente, on ne peut que ressentir un brin d’amertume devant tant d’opportunités et d’espoir gâchés.

A posteriori, tout se joue sur les premières images. Comme la saison précédente, ce premier épisode débute par un flash-forward. Effet chromatique dispensable et impression gênante d’un monologue face caméra. Soumission à un principe narratif qui passe d’outil à gadget. Le double axe temporel, dans la première saison, se justifiait dans l’intersection, quand le présent/futur rejoint le passé/présent. Or comme la seconde saison n’opère aucune (ou volonté de) modification immédiate de la ligne narratrice, la balance n’est pas préservée et l’effet ne fonctionne plus. Détournement de la nature du show qui sacrifie sa sève de thriller économico-judiciaire en un procédé narratif, sorte de gimmick d’écriture. C’est d’une part mésestimer ses qualités scénaristiques, sa construction savante et efficace et d’autre réduire le show à un exercice de style. Enfin leurs apparitions laissées au hasard n’apportent plus aucune information intéressante, et leurs présences, aucune corrélation, même vague, avec la séquence précédente.

Passée l’immédiate déception, la frustration nous gagne. Si dans sa globalité, la qualité de cette saison est inversement proportionnelle à celle de la précédente, tout n’est pas à jeter et on peut même trouver des choses intéressantes. Car les enjeux sont nombreux et les scénaristes les exploitent (mal) quasi tous. De l’épée de Damoclès au dessus de la tête de Patty Hewes à la vengeance d’Ellen (contre Patty et Frobisher). Inscrit en filigrane dans une nouvelle affaire au potentiel énorme, on se demande comment les auteurs ont pu rater le coche à ce point. Toute la partition d’Ellen est figée sur le même mode : mâchoire serrée, œil au bord des larmes mais regard sombre. Une posture qu’elle tiendra toute la saison, en mode bi-registre. Le parcours de Patty est plus intéressant, mais seule sa relation avec son fils tiendra toutes ses promesses. Tom est laissé à l’abandon, Frobisher en amuseur public (même si son revirement zen s’inscrivait dans la logique du personnage, excessif).

Des nouveaux personnages ou la nouvelle affaire, on retiendra ce traitement en dépit du bon sens qui sacrifie toute excellence au profit d’un étale de choses éparses, voire insignifiantes. Une bouillie narrative qui exploite très mal des situations pourtant emprunte d’une charge plus puissante que l’affaire précédente. Dimension politique dans le milieu de l’énergie, thème très actuel en ces temps de grenelle de l’environnement. Son évolution au cours de la saison lui donne de l’ampleur et un visage protéiforme. On se surprend même de regretter un traitement aussi rapide, comme on ne parvient pas à saisir l’importance de tous ces enjeux. La faute encore à une narration trop décousue, qui place très mal ses personnages (Daniel Purcell disparaît sans donner de nouvelles pendant quatre ou cinq épisodes, Frobisher n’intéresse plus les scénaristes quand son implication maladroite dans la nouvelle affaire n’est plus d’actualité) et exploite jusqu’à la lie certaines situations (les rencontres avec le FBI, le trader cocaïnomane, le GPS). On vient à se demander si les auteurs n’ont pas tenté de courir trop de lièvres à la fois (Affaire d’empoisonnement + malversations financières d’UNR, meurtre de Mme Purcell, enquête du FBI, intrigue autour de l’Oncle Pete, vengeance d’Ellen contre Frobisher, contre Patty, le deuil d’Ellen et la liste n’est pas finie).

Il est amusant de noter que les deux agents du FBI que rencontrent Ellen sont deux personnalités importantes dans conception de la série. Mario Van Peebles, réalisateur et surtout Glenn Kessler crédité aux scénarii et comme créateur. Amusant parce que les séquences où ils apparaissent entraînent le rythme vers le bas, voire les abîmes dans un season final qui évente tous les flash-forward. Est-ce la volonté de se mettre en scène qui leur fait manquer de recul quant à la pertinence de ces séquences ? Créateurs et créatures, ils deviennent les boucs émissaires du naufrage de cette saison. Dans un final mou et pragmatique, les auteurs ont réduit les fenêtres d’évolution possible pour la troisième saison. Patty annonce à Tom qu’Ellen reviendra. Si cette dernière réplique s’avère prophétique, Damages aura alors passé le point de non retour.

2009 fév. 18

Damages 02x02 : Burn it, Shred it, i don't care

Damages.jpg La prudence. Celle qui fait avancer à petit pas. Sans prendre le risque de trop se dévoiler. Les scénaristes semblent jouer leurs cartes avec une grande retenue. Ainsi, quand ils ont trop dévoilé leur jeu, ils se défaussent rapidement (le faux procès du FBI, pratique aisée). Pour mieux se concentrer sur la big case. Et l’on sent les auteurs bien plus à l’aise quand il s’agit de perpétuer une recette éprouvée. Maîtrise totale de l’exercice. A coup de bluff made in Patty Hewes. L’arroseur arrosé, tel est pris… On replace les pions sur le grand échiquier et l’on s’apprête à mettre en place sa tactique impitoyable.

Tout le monde cache bien son jeu. De tous les côtés. Les auteurs aiment avoir plusieurs coups d’avance. Et de surprendre ainsi le public. On se souvient encore du résultat de la première saison. On aimait se faire prendre au piège. Passif et attentif d’un récit qui savait ménager ses révélations. Certaines ficelles étaient un peu grosses. Le résultat parvenait toujours à réaliser son office. Aujourd’hui, on est peut-être plus exigeant. On épie chaque petit détail. On élabore davantage de plus amples théories. On comprend le rouage, alors on tente de faire fonctionner la machine. Avec plus ou moins de résultat. Seul l’avenir nous le dira. Et l’on peut dire que cette entrée en matière, si elle ne déçoit pas, affiche des prétentions bien trop sages. Peut-être sommes-nous impatients ?

Du côté du flash-forward, c’est toujours l’inconnu. Auto-préservation. Assez indigeste dans sa forme (errances chromatiques, répétitions) et révélation froide et convenue (la relation évidente et prévisible dès le premier épisode entre Oliphant et Ellen).

Deux séquences, au cours de cet épisode, trahissent la rigueur qui caractérise le travail des scénaristes. La rencontre entre le fils de Patty, Michael et William Hurt. Appuyé trop lourdement pour laisser planer le doute. On se demande alors pourquoi une énigme est entretenue autour d’un passé commun entre Patty et ce dernier. Tant il convient que ce fameux lien est personnifié par Michael. La seconde, plus impardonnable, parce qu’elle verse dans le mauvais goût : Chez Oliphant, après une conversation avec Ellen autour du motif de la vengeance et de ses méthodes d’exécution ; il ouvre un placard et laisse apparaître une imposante collection d’armes à feu et de coupures de presse au son d’un improbable morceau de métal. En total rupture avec la tonalité générale de la série, mais surtout de la scène. Car cette énigmatique et violente pulsion de musique rompt la partition classique que l’on écoutait jusqu’à présent. Dans une autre série que Damages, on aurait pu prétendre à la blague, la parodie, le second degré. En l’état, c’est ridicule.

2009 fév. 4

Damages 02x01 : I lied, too

Damages.jpg Damages figurait parmi les excellentes surprises de la rentrée 2008. Ce thriller judiciaire à la narration protéiforme servit d’écrin pour la performance de Glenn Close en femme forte et avocate manipulatrice, un rôle sur mesure. Après son interprétation dans la saison 04 de The Shield, il faut croire que l’actrice a définitivement trouvé dans la télévision son nouveau terrain de prédilection à même de mettre à l’épreuve ses talents. Après une remarquable première saison qui bouclait les principaux arcs narratifs, on attend de pied ferme la suite, avec en point de mire, la chute annoncée de Patty Hewes.

Le flash-forward était un outil efficace dans la saison un. Un outil qui permettait à la série de se distinguer. Son utilisation entraînait quelques séquences convenues, sa photo relevait du gadget, mais quand les deux lignes du temps se rattrapaient, l’effet était saisissant. Un accessoire narratif qui pimentait une solide et rigoureuse première saison. Mais comme tout accessoire, il demeure dispensable.

Alors quand on est à nouveau cueilli par ce procédé, on ne peut s’empêcher d’éprouver un brin d’amertume. Où l’on transforme un outil en gimmick. En reproduisant ainsi le schéma de la première saison, les auteurs semblent vouloir nous dire que le flash-forward fait parti de l’identité du show. Comme 24, la série repose sur un procédé narratif avant son scénario ou ses personnages. Dommage de réduire Damages à cette distinction, quand la série a surtout démontré ses qualités sur son nébuleux script addictif et ses personnages principaux.

On pénètre donc dans cette seconde saison par ce monologue qui ne fonctionne pas à cause du besoin primaire de garder intact le suspense. La situation, par cet outil, est classique et entraîne les questions d’usage : A qui parle-t-elle ? Tue-t-elle vraiment ? Cependant, on est pris d’une sorte de malaise devant cette séquence embarrassante, où le trait, forcé, devient artificiel.

Ce 02x01 sert avant tout de transition. L’intrigue reprend peu de temps après l’issue de la précédente saison et il est surtout question de faire le point. Tout en ménageant les différents axes possibles à venir. Le trauma d’Ellen est traité un peu lourdement (mine résignée, séquences thérapeutiques trop nombreuses, pathos appuyé), la culpabilité de Patty fonctionne sur une jambe (la vision de Fisk est de trop, mais l’effondrement dans son bureau, du point de vue d’Ellen, est fort réussie ; le cauchemar, outil trop facile). Les deux femmes ont en commun une double apparence, que l’on cache aux autres et presque autant à soi-même. Où comment les signes extérieures de réussites s’affichent en public quand on dissimule la sombre vengeance ou la culpabilité dévorante.

Ces deux émotions ont déjà été largement traitées dans le monde des séries comme celui du cinéma. Ces derniers temps, on a plus souvent eu droit à quelques relectures périmées du genre, avec effets sursignifiés. On verra comment les scénaristes vont traiter cet élément important de l’histoire, pour ne pas dire essentiel, dans la continuité la plus parfaite de la première saison. Si le gimmick du flash-forward signifie une volonté de reproduction, l’évolution des personnages sera le facteur décisionnaire sur la réelle compétence des auteurs dans l’optique de créer une œuvre totale, et non deux saisons qui tentent de s’imbriquer artificiellement.