Lucarne

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2009 juin 13

A suivre...

On pourra désormais retrouver Lucarne à cette adresse :

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2009 avr. 22

Dark Skies, passé recomposé

dark skies Débarqué en pleine X-Files-mania, Dark Skies n’a eu qu’une seule petite saison à son compteur. La série profitait de l’engouement pour les extraterrestres et les conspirations pour oser une relecture intelligente puisant dans la mythologie ufologique et l’histoire américaine.

Dark Skies rejoint le cimetière de ces séries trop vite enterrées. Le show créé par Bryce Zabel et Brent Friedman possédait pourtant tous les ingrédients pour une fidélisation à long terme. Jouant aussi bien sur la mode de l’époque que l’élan nostalgique américain. L’histoire débute pendant les années soixante et revisite les faits marquants. Qu’ils soient politiques, culturels ou de société. Les deux auteurs choisissent d’encrer leur récit dans un panorama historique pour en exploiter les failles ou situations ambigües. Combler les zones d’ombre par leur imagination. Et révéler une autre vérité. Seront ainsi reconsidérés l’assassinat de J.F.K., ainsi que celui de Lee Harvey Oswald par Jack Ruby, Robert Kennedy, la Beatles-mania, Jim Morrison, J. Edgar Hoover, etc. … A cette grande Histoire, Zabel et Friedman superposent les principaux faits ufologiques : le crash de Roswell, évènement matriciel, le Majestic 12, la Zone 51, les expériences sur les bovins, Betty et Barney Hill (premiers abducted)… un travail d’archéologie de niche.

La principale force de la série réside dans ce constant dialogue entre « fiction avérée » et réalité historique. Et retourne le célèbre proverbe en « un mensonge passe mieux s’il est entouré de deux vérités ». On se plait à revisiter l’histoire sous l’angle paranoïaque de l’invasion extraterrestre. « Ils sont parmi nous » disaient David Vincent dans Les Envahisseurs et Mulder dans X-Files. Comme dans les deux séries précitées, la menace a pris forme humaine. L’extraterrestre est un parasite qui prend possession de son hôte. Infectant la population, menant son invasion de l’intérieur. Si Dark Skies exploite le passé et l’ufologie, elle puise également dans la fiction (L’invasion des profanateurs de sépultures, Les Envahisseurs, de grands classiques).

Zabel et Friedman sont parvenus à jongler avec toutes ses influences, la rigueur historique, l’ufologie et rendre leur série vivante. Dark Skies n’est pas que l’ensemble de ses influences, mais une création unique qui parvient à engendrer sa propre forme avec du matériel usagé. A mi chemin entre l’exercice postmoderne et l’effet vintage. Les auteurs évitent de s’étouffer avec ce trop plein d’éléments rapportés, soignent leurs intrigues et imposent un fil conducteur dont la progression s’exprime au bout de quelques épisodes. Dès que l’on commence à s’habituer à la structure du récit, ils bouleversent les codes établis et reboot ainsi leur show. Et atteignent un final sombre et désespéré qui laissait présager d’une suite passionnante.

Enfin Dark Skies fut l’hôte de quelques gueules célèbres de la télévision : Eric Close (Without a Trace, Now & Again), Megan Ward (plus discrète on a pu la voir dans des épisodes de CSI, CSI Miami, NCIS, Boomtown, Melrose Place ou encore ER) J.T. Walch décédé peu de temps après la fin du show, Tim Kelleher (Dollhouse, 24, CSI, Without a trace, In Plain Sight, Six Feet Under, The West Wing…) ou encore Conor O’Farrell (CSI, Without a Trace, Medium, The Unit, Buffy…).

En bonus, le générique (VO) :


Dark Skies - theme

"Je m'appelle John Loengard. J'enregistre ce message, parce que nous serons peut-être morts demain. Ils sont là. Ils sont hostiles, et des gens puissants nous cachent leur existence. L'histoire telle que nous la connaissons, n'est qu'un mensonge."

2009 avr. 6

How I Met Your Mother, Friends au passé

HIMYM La nouvelle Friends. Sitcom, amis, trentenaires, new-yorkais, romance… on croirait lire les tags de Friends. Difficile de passer après le mastodonte, phare de la sitcom des années 90 avec Seinfeld. La série créée par Craig Thomas et Carter Bays pousse le jeu des comparaisons dans ses retranchements. Quel sentiment masochiste peut pousser les deux créateurs à conjurer le deuil des fans en leur proposant un palliatif aussi soudain ?

La sitcom a longtemps été prisonnière de sa conception. Une forme de théâtre enregistré pour la télévision. Avec son univers en plateau, pièces récurrentes où se joue l’intégralité du show. Alors il a fallu abattre quelques murs et offrir le monde vivant à la sitcom pour lui redonner vie. Sex and the City, Curb Your Enthousiasm, Arrested Developpement ou My name is Earl partent de ce principe. Donner à la sitcom une nouvelle identité visuelle basée sur le mouvement. D’autres ont choisi un axe différent. Jouer avec la narration. Les sages flash-back de Samantha Who ? et surtout How I Met Your Mother (HIMYM) qui pourrait être un peu le Lost de la sitcom (en moins nébuleux).

HIMYM est un immense work in progress. Une œuvre qui se monte pièce par pièce en fonction des souvenirs de Ted. Sorte de trajet narratif dans le passé, fait de détours, de retours, d’avance rapide et de déplacements latéraux. Si une ligne continue constitue l’axe principal du show (la rencontre avec sa future femme, mère de ses enfants), HYMYM se déploie comme un arbre aux vastes et infinies branches. Parce que la mémoire fonctionne ainsi, les souvenirs profitent parfois d’une situation pour en raconter une autre, et une autre, etc.… Ce qui confère à la série son identité remarquable, fait de petits ou grands développements, d’histoires racontées plusieurs fois selon un point de vue différent, de teasing (la série en est un immense), de manipulations temporelles.

Le show ne se repose pas uniquement sur ce traitement narratif en poupée gigogne. Thomas et Bays ont constitué un petit groupe d’amis pour donner libre court à leur imagination. Ted, héro romantique et idéaliste, Mashall gros nounours marié à Lily la tigresse, Robin, canadienne passionnée d’arme à feu et ancienne célébrité pop locale. Enfin le dernier, peut-être une des plus belles créations comique de ces dernières années, qui possède déjà son culte (site internet, livres dédiés, pastiches…) : Barney Stinson. Rien que pour lui, la série mérite d’être regardée. Auteur de punchlines mémorables (legend… wait for it… dary, suit up, have you met ted ?), homme à femme, macho, il incarne une forme pure de tous les travers masculins, mais avec une classe folle et un humour décapant. La fascination qu’il exerce abolit tout sentiments de dégoût, son imagination pour conquérir des coups d’un soir dépasse de loin l’entendement (le vieil homme du futur est incroyable). Son appartement respire l’être superficiel et éternel célibataire (collection de porn movies, un seul oreiller, gimmicks mâles…) et surtout, il profite du jeu de Neil Patrick Harris (Dr Horrible’s Sing Alone Blog).

Quelle est l’importance de la trame principale dans HIMYM ? Assez pauvre visiblement. Elle sert avant tout de prétexte. Amorcer un souvenir, poser un contexte, une façon d’entamer une nouvelle histoire. Un peu à l’image de la liste infinie d’Earl dans la série du même nom. Les deux auteurs profitent de ces évadées nostalgiques dans la psyché paternelle pour relater quelques blagues potaches et narrer les aventures d’une poignée d’amis à New-York. Discours sur la difficulté de trouver la femme idéale, ou celle de construire sa vie. Si la série peut gagner une forme de mélancolie par le prisme du passé, le rire immédiat des situations est préféré à cette intonation.

Depuis quatre saisons, on se demande comment Ted a rencontré la mère de ses enfants. Cette question requiert tellement peu d’importance, que l’on se demande si les auteurs tiennent vraiment à répondre. Si la venue de cette rencontre pose le terme de la série, il ne faudrait pas diluer le suspense dans des intrigues à rallonge et à l’intérêt discret, pour prolonger artificiellement le show. On a pu noter une baisse de qualité lors de la troisième et quatrième saison (en cours concernant cette dernière), mais l’ensemble tient encore la route. Assez pour que l’on continue à rire devant ces souvenirs et ces personnages.

2009 mar. 16

United States of Tara, je suis nous, nous sommes je

UST.jpg Certaines associations exercent un immédiat pouvoir de fascination. Steven Spielberg, que l’on ne présente plus. Et Cody Diablo, auteure du remarqué Juno. Du premier, on retient les thèmes que sont la cellule familiale, son fonctionnement, ses carences. De la seconde, on retient ses dialogues aiguisés comme des punch lines et une description de la jeunesse subversive dans le milieu américain moyen. Showtime est l’hôte de cette collaboration, dans un format de trente minutes, que la chaîne câblée affectionne (Weeds, Californication).

Tara souffre de troubles de la personnalité. Pas de schizophrénie, elle n’entend pas de voix dans sa tête. Elle incarne physiquement d’autres personnages : T. version délurée et trash d’une Tara de 16 ans enfermée dans un corps d’adulte ; Buck vétéran du Vietnam, macho passionné d’armes à feu ; Alice, desperate housewife sortie des sixties. La série pose alors le problème de cette maladie au quotidien. Comment elle affecte son mari, ses enfants, sa sœur ou son travail.

Le ton évolue entre comédie et drame. Il ne s’agit pas de minimiser la maladie mais de révéler son potentiel comique. Parce qu’il y a quelque chose de fondamentalement drôle à voir cette mère de famille se transformer en Buck, cigarette au lèvre et mater le cul des filles dans un langage plus que fleurie. Si chaque personnalité possède son propre code vestimentaire, Toni Collette parvient, par le jeu de son visage, à modifier son expression pour donner vie aux différentes incarnations. Les phases de transformation sont remarquables. Affaissement des lignes du visage, comme si tous ses muscles se décontractaient, puis, par un travail de remodelage, donner naissance au nouveau moi. Tara est un personnage rêvé pour toute actrice. Mais également un cadeau empoisonné. La série repose beaucoup sur son interprétation et ses capacités à doser son jeu. Toni Collette relève le défi haut la main, et voilà qui devrait (enfin) la révéler au grand public.

Une première et principale difficulté se pose : comment croire en l’existence de Tara avec toutes ses différences personnalités ? Il ne faut pas la noyer sous un déluge d’effets et transformations. Pour mieux ressentir son trouble et ses conséquences, les scénaristes doivent soigner la personnalité « hôte ». Les deux ou trois premiers épisodes nous confirment cette appréhension. Présentation des différentes personnalités, leur interaction sur l’univers de la famille (à la maison, l’école), mais de Tara, une seule petite introduction face caméscope sur sa difficulté à élever ses enfants et quelques apparitions trop succinctes. On peine à se sentir concerné et éprouver de l’empathie pour cette famille. Un tic d’écriture qui fonctionnait pour Juno et qui s’accorde mal avec le contexte. Il ne faudrait pas que le show au pitch original rejoigne le cimetière de ces séries au réel potentiel qui n’ont su transformer l’essai.

2009 mar. 12

Gossip Girl, xo xo

Gossip_girl.jpg Un teen soap drama dans le petit monde bourgeois de New-York, adaptation d’une œuvre issue de la chick lit’. Décrit ainsi, Gossip Girl n’allait intéresser (presque) personne. Et le show ne se limite pas à ce seul écueil potentiel. Introduction d’un outsider du peuple d’en bas dans ce milieu fermé pour orchestrer le choc des valeurs attendues. Un adolescent beau gosse, intelligent, accompagné d’une sœur plus jeune, wannabe féroce. L’idée même semble être un suicide artistique. Le petit miracle tient en un nom : Josh Schwartz. Producteur exécutif ou showrunner derrière des séries comme The OC (aka Newport Beach en vf) ou Chuck. L’homme parvient, grâce à un talent déjà éprouvé sur The OC à transcender l’œuvre originale de Cecliy von Ziegesar et le teen soap.

Dans ce microcosme luxueux et scintillant, on suit les romances d’une poignée de nantis. Ils incarnent chacun une facette particulière que l’on se fait du petit bourgeois. De la poupée/peste pourrie gâtée (Blaire Waldorf) au jeune prodige (Nathaniel Archibald), de la sulfureuse diva en quête de rédemption (Serena Van Der Woodsen) à l’héritier pervers et manipulateur (Chuck Bass). En découvrant ainsi ces portraits, on pense à la relecture des Liaisons Dangereuses de Cruel Intentions. Blaire en Kathryn Merteuil et Chuck en Sebastian Valmont. Même usage du sexe et de la séduction comme arme. Même relation ambigüe. Dans un univers tout aussi opulent, mais en plus moderne, donc délurée, tape à l’œil.

Gossip Girl, c’est d’abord une voix. Celle de Kristen Bell. L’icône, à jamais Veronica Mars dans l’inconscient collectif. On la retrouve (faible récompense), génie du complot, dévoilant les coulisses. Une Vox Populi. Mais restreint au petit monde de l’Upper East Side et Constance/St Jude, son école huppée. Gossip Girl, le blog des ragots. Créations de mode, outil d’influence, suppression de réputation. L’arme absolue. Tenue par une inconnue, et dont on ne saura jamais rien. Parce que qui se cache derrière ce blog n’intéresse personne. C’est ce qu’il diffuse qui accapare toute l’attention. Car qui alimente le blog ? Les victimes/bourreaux/témoins eux-mêmes. La voix n’est que l’intermédiaire. Un outil de propagande.

Le show s’applique à rejouer les grandes et épiques tragédies à l’échelle de cet adolescent huppé new-yorkais. Aveugle du monde extérieur, sauf quand celui-ci tend à le rattraper. Ici, tout le monde affiche un masque. Attendu, promis, dans une conformité communautaire qui pratique le culte de l’apparence comme une religion. La série use de cette imagerie convenue, non pour la déconstruire, mais pour y jouer avec, comme un chat avec une pelote de laine. Il s’agit d’appliquer un regard amusé, mais jamais moqueur. Comprendre que même les riches ont leurs problèmes et le droit d’être malheureux. Que naître avec une cuillère d’argent dans la bouche, ne va pas mener à la parfaite existence. Et que cette liberté toute permissive faite d’absentéisme parentale n’est qu’une illusion orchestrée par ces derniers, qui conçoivent leur progéniture comme des marionnettes dont ils ont déjà tracé leur futur. Le pouvoir et l’argent étouffent autant qu’ils permettent, et libèrent moins souvent qu’ils conditionnent.

Le spectacle proposé est souvent pathétique, fait de petits coups bas et autres humiliations publiques. Se dégage un souffle destructeur incarné par les deux plus grandes personnalités du show : Blaire et Chuck. Le couple exprime toutes les qualités que l’on trouve à Gossip Girl. Bitchy, féroce, où la vulgarité s’exprime avec la classe d’une noblesse dépravée. Ils vivent dans une forme de théâtralité constante, à la mise en scène élaborée, dans le rôle de leur vie. Pourfendeurs de modes, instigateurs des pires méfaits, ils représentent la nature même du show. Et transforment ce mouvement pathétique surréaliste en un spectacle jouissif et ludique. L’intérêt de Gossip Girl tient en cette fragile équation.

Ce qui intéresse dans Gossip Girl ne sont pas les romances interchangeables d’une poignée d’adolescents ou un quelconque discours social (ce que les auteurs évacuent rapidement), mais les tentatives de mise à mort de la réputation. Si à travers tous ces signes extérieurs de richesse et ce ton superficiel, dédaignant et snob pouvaient rendre la série détestable, Josh Schwartz manipule ces ingrédients comme un alchimiste pour les transformer en un spectacle de gladiateurs. La mode – et Gossip Girl est devenu un vecteur des nouvelles tendances du prêt-à-porter – a remplacé les armures et les téléphones portables, les épées

2009 janv. 29

90210, retour à l'envoyeur

90210 L’annonce de la mise en chantier de ce spin off créa un buzz, sorte d’épiphénomène à la fois drôle et consternant, qui donna la tendance pour cette rentrée 2008, placée sous le signe des suites, adaptations ou remakes. La curiosité fut de taille. Où comment concilier le souvenir de la série originale, bien propre sur elle quand elle raconte la vie bourgeoise d’une poignée d’ados privilégiés, sans la moindre aspérité, avec ce petit côté wasp rock’n roll, aux mœurs actuelles. Le paysage a changé. Une nouvelle génération est venue damner cette pensée bien rangée. 90210, code postal de Beverly Hills, dès les premières images, stock shots frelatés des plus belles villas du coin. Pour rappeler ce contexte où l’argent s’affiche, mais bien caché derrière un portail démesuré ou une haie opaque. Et puis le lycée, West Beverly High, où Brandon et Brenda firent leurs armes, accompagnés des célèbres Kelly, Dylan, Steeve, Donna ou David. Un lieu légèrement modernisé, mais où l’on peut ressentir quelques souvenirs bien tenaces de fin de samedi après-midi passé devant la télévision.

90210 invoque autant la nouvelle génération des Gossip Girls que celle des vieux nostalgiques. Où dans un même mouvement, l’on retrouve Brenda et Kelly au Pit, servi par Nat, quand deux tables plus loin, des petites pestes mettent du Whisky dans leur Ice Tea. Autre époque, autre mœurs. La tension sexuelle est palpable en première impression, en quelques minutes on en vient au sex, drugs and... music hype (Coldplay, MGMT, pas mal, la bande son). Il semble bien loin le temps où Aaron Spelling protégeait sa fille d’une virginité déjà périmée. Ici, un des personnages principaux est crevé en flag dans sa voiture, où il se fait offrir une gâterie buccale. Parfait pour bien commencer les cours.

En un pilot, on a l’impression de voir une demi-saison condensée à l’extrême. En deux fois quarante cinq minutes, on est passé des meilleures amies aux pires ennemies, d’un couple implosé, de mini drames épiques, de pistes lancées à tout va. Comme si la série se jouait sur ces deux épisodes, comme si les auteurs craignaient une prochaine annulation. Il faut avouer que l’on n’attendait pas grand chose d’une suite de Beverly Hills. Et le pôle créatif doit être à peu près de notre avis. Rythme cocaïné, aussi futile qu’accessoire, donc forcément hyper intéressant. Hystérie passagère de petites ados en mal de sensation forte, crise familiale, jouxtes verbales incisives, tous les ingrédients sont agencés sans ordre particulier, avec l’énergie du désespoir. Et le miracle a lieu. Ou presque. Le spectacle est plaisant, jouissif par moment. La série est bien de son époque (blog inside), et le tout surfe sur la vague lancée par Gossip Girl. L’influence de cette dernière est incroyable, mais comme elle doit aussi son existence quelque part dans les circonvolutions de Beverly première du nom, on peut juger que la boucle est bouclée.

Seulement ce plaisir, comme jouissance, reste éphémère par nature. Et chassez le naturel… Retour à la case départ, dix après. Les intrigues n’ont pas changé. Tout est couru d’avance. Se pose la question de savoir si les scénaristes sont géniaux de nous soumettre au don de préscience, ou se foutent de nous pour oser raconter des histoires aussi prévisibles ? Ou alors, ils cultivent le culte de l’apparence par la plus effroyable et insupportable des façons : prouver sa vacuité par le prisme du lifting et prôner la duperie d’un tel exercice. 90210, une série qui raconte la même histoire, en plus moderne. On brasse les sempiternels mêmes clichés, comme esclave d’un cahier des charges immuable. Mais on y ajoute un soupçon d’hystérie pour épicer le tout. Les auteurs invoquent, dans ce même élan, la fibre nostalgique et les fantômes du passé. Brenda et Kelly nous font le remake du bon vieux temps. Effet Dylan oblige. On jubile devant la réouverture de traumas passés. Devant la hache de guerre déterrée. Le plaisir sera une nouvelle fois de courte durée. Justification de l’âge avec qui vient la sagesse (ou presque).

A l’issu du septième épisode, on découvre une trace de vie dans la série. Alors que jusqu’à présent, on subissait, avec défaitisme, l’électroencéphalogramme plat du show, voilà qu’elle subit, au terme de l’épisode, son premier choc. Comme un joli coup de pied dans la fourmilière. On est en présence d’un potentiel attractif pour une fois, qu’il serait dommage de ne pas profiter. Cet événement ne masque pas les énormes carences d’une écriture qui ne raconte pas grand chose et exploite sans vergogne une tradition passéiste du teen soap, mais on ne peut s’empêcher de ressentir de petits pincements au cœur devant l’élaboration d’un arc pas très audacieux en terme de développement, mais dont la conclusion affiche un joli contrepied.

Malheureusement, le plaisir est éphémère. Ade n’est pas morte, et on assiste à l’énième rédemption, parce que Beverly est porteuse d’espoir. Comme si l’on pouvait trouver un élan salvateur dans cet univers pourri par le fric. 90210, c’est le soleil, les belles villas, et l’on ne meurt jamais vraiment, surtout pas d’une OD. On rebondit, on lutte, parce que la vie est ainsi, et qu’il n’y a jamais de perdants. Autant d’abnégation et la vie deviendrait presque belle et émouvante.

2009 janv. 26

Fringe : Et la montagne accoucha d'une souris

Fringe Chaque rentrée, une série créé le buzz avant même d’avoir montrée une seule image. Cette année n’échappe pas à la coutume. Sur le papier, les faits sont là. Fringe : JJ Abrams aux commandes d’un show qui se veut le digne héritier de X Files. Toute la presse savoure, tous les fans salivent. Retour du récit de conspirations dans une ère post 11 septembre. L’industrie remplace la politique – mais les deux sont liées – et prend la forme d’une compagnie protéiforme omnipotente. La personnification du pouvoir à l’heure de la mondialisation. Avec l’éternelle question d’éthique sur les progrès scientifiques et la place de l’homme face à dieu.

Abrams aime les intrigues en toile d’araignée. Partir d’un élément central distinctif et broder autour de nombreuses et obscures circonvolutions aux lisières de la métaphysique. Fringe est censé bousculer nos croyances. Derrière ce terme, s’exprime tout ce que l’on considère comme de la para science, où la tentative d’explications rationnelles de faits pseudo science-fictifs. Si l’aspect didactique est important, on reste dans une structure proche de Lost. Parce que l’auteur parvient ainsi à s’ouvrir de vastes possibilités, où presque tout est permis, pourvu qu’un jargon vulgarisateur scientifique intervienne.

Dans ce tableau, Abrams rencontre deux problèmes potentiels : Nous rendre des concepts paranormaux, scientifiquement plausibles et audibles ; que cette conspiration laborantine à l’échelle mondiale tienne la route. Autant dire que le pari n’était pas gagné d’avance.

Pour éviter tout suspense : aucun des deux points sensibles exposés au dessus n’est réussi. Abrams s’empêtre rapidement dans un schéma routinier. Exaspération du répétitif. Et par la profusion de cas éparses, d’une vue d’ensemble approximative qui semble s’écrire au fur et à mesure. Fringe accumule les erreurs de parcours. Evanescence d’une conspiration, où les phénomènes aléatoires assombrissent le tableau plutôt qu’il le complète. Seuls les trois ou quatre derniers épisodes de cette mi-saison affichent des prétentions telles, que l’on peut deviner un vrai projet. Indices disséminés, traitement sur la longueur, la série se donne enfin de la consistance. Mais il a fallu passer par des intrigues improbables, où la notion de para science résulte davantage de la science-fiction ou l’anticipation. A l’image de la compagnie Massiv Dynamic, où tout semble possible, sans que l’on ne parvienne à y croire.

La question est de savoir s’il y a eu un problème de communication autour de la série, ou de compréhension de notre part. Alors que l’on s’attendait à un traitement proche d’X Files, qui parvenait à rendre plausible les théories les plus extravagantes, Fringe affiche des prétentions bien plus fantasques. Communication à travers un coma, voyage dans le temps, mémoires et souvenirs partagés… Autant de thèmes issus de la science-fiction ou du fantastique pur et dur. Et ce n’est pas les quelques explications scientifiques qui viendront nous convaincre du contraire. On se retrouve pris entre deux feux : la volonté de croire en un univers réaliste et la compréhension de ses phénomènes inexpliqués ou bien celle de l’anticipation d’un monde où tout est enfin possible. Fringe souffre de cet entre deux dans les premiers épisodes. Et c’est encore dans les trois derniers épisodes, qu’elle assume enfin son statut.

La progression de la série demeure énigmatique. Dès le (mauvais) départ, elle perd pied. Démonstration de ce qu’il ne faut pas faire. S’éparpiller par le biais du procedural et présenter des personnages qui ne comblent pas les lacunes d’une intrigue en roue libre. Dans un agencement fragilisé par l’incapacité des auteurs à produire du ciment, tout reposait sur les personnages, seul point d’encrage dans ce monde auquel on a encore du mal à croire. A l’image du professeur Bishop, qui sort la série de sa médiocrité, mais l’étouffe dans un même mouvement. La fantaisie de son caractère apporte un contrepoids au traitement souvent froid et désincarné. Si l’on apprécie ses facéties, le contraste est brusque. Devant la transparence de l’agent Dunham ou le j’m’en foutisme de Peter, la singulière et théâtrale prestation du savant-fou explose les limites du cadre. Dans cet univers contenu, l’effet serait presque destructeur. Et la déflagration de ne pas se contenter aux autres personnages, mais à la nature du show et son traitement. Comment prendre au sérieux que l’avenir scientifique du monde se joue peut-être dans les sous-sols de Harvard, laboratoire de fortune bricolé avec des bouts de ficelles ? Dans une grosse production télévisuelle, vanter les vertus de l’artisan face aux industrielles ferait presque sourire. Où comment un seul scientifique parvient à rivaliser avec la compagnie à la pointe de toutes les technologies. Muni d’un caisson métallique, deux électrodes et un oscilloscope, réussir mieux que les énormes structures de Massiv Dynamic. Le génie ne s’embarrasse pas des moyens ? Seule la théorie et la méthode importent. L’outil ne fait le savant.

Au terme d’une moitié de saison, la nouvelle création de JJ Abrams doit non seulement toujours faire ses preuves, mais aussi redresser un niveau médiocre par son départ calamiteux. Mission rude en perspective. Le show, en progressant sur 22 épisodes, utilise déjà son sursit. Les moyens mis en œuvre et le nom d’Abrams ont permis ce sursaut salvateur. Combien de temps l’illusion tiendra-t-elle ?