Lucarne

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2009 fév. 15

24 07x01 - 07x02 : 08:00 am - 10:00 am

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Commencer une nouvelle saison par son procès. Constat d’échec ? Peut-être était-il tout simplement temps de répondre à toute cette agitation au sujet de la torture dans 24. Simple outil narratif, vraiment ? En tout cas, il n’y aura pas de regret. « On a fait, ce qu’il fallait faire ».

Les raccourcis dans 24 ont à la fois permis de faire tenir les intrigues, tout en les entraînant vers le bas. Nouvelle preuve, le procès n’aura pas lieu. Ou plutôt, si, demain, même heure. Autant dire quand la saison n’existera plus. Un peu timide les explications. On n’assume pas autant que l’on voudrait le croire ? Besoins irrépressible de revenir vers l’action. Jack sur une chaise, voilà un spectacle que personne ne voudrait voir. Et pourtant. En tant que chaire à sacrifier, « individu fonction » ou simple « corps héro », il y avait tellement à dire dans ce tribunal. Et de voir une menace prendre forme dans le dos de Jack, et ce dernier impuissant pris entre les mailles d’un filet judiciaire aussi injuste que nécessaire, avaient quelque chose de dissident dans la structure de la série.

Mais on troque le défunt CTU pour les bureaux du FBI. Pas sûr que l’on gagne au change. En tant qu’élément narratif, la CTU avait depuis bien longtemps passé la date de péremption. Seulement le bureau, n’est qu’une autre administration américaine présentant les même maux. Taupes, agents infiltrés...seule la sonnerie du téléphone a changé.

On nous annonçait du changement. C’est pourtant la même valse que l’on joue dans ces deux épisodes. Lieux communs, passages obligés. Rien dans la forme, ni dans le fond n’a changé. Tout juste le contexte, et sinon la ville. Jack fait du Jack, en deux heures, il a gagné l’autonomie, mené la barque jusqu’à son but. Première mission achevée. Tout est allé très (trop) vite dans la première heure. Tout s’est (trop) calmé dans la seconde. A côté, Madame la Présidente prépare une guerre (for the greater good, of course), le mari mène sa vendetta, et les méchants complotent.

24 heures, un jour sans fin. On ne célèbre plus la marmotte, mais la démocratie et les USA.

2009 fév. 2

24, Redemption... in process ?

24_redemption.jpg Au moins peut-on voir dans ce prequel une volonté de sortir d’un schéma qui virait à l’asphyxie. 24 a perdu une année, et ce préambule tente de combler les blancs d’une mise au point. Sans pour autant faire table rase du passé. Capitalisation d’une recette qui présente toujours plus ses limites, mais créé néanmoins une forme d’addiction. Chaque année, les critiques virulentes pleuvent. Tout comme ces spectateurs reviennent pour suivre la nouvelle journée. Malgré des ficelles qui grossissent toujours plus, il reste des choses intéressantes à exploiter. Et la série n’a pas son pareil pour témoigner de notre époque dans une optique politique autocentrée sur l’Amérique. Pendant six années, 24 fut la série la plus représentative de l’ère Bush. Sa politique intérieure comme étrangère, cette façon de commenter le monde, sa structure géopolitique avec l’angle unique d’une vision très « maître du monde » qu’adoptent communément les Etats-Unis. Une chasse au terrorisme, l’axe du mal versus l’axe du bien. Vision d’un monde sécuritaire présentant toujours plus ses failles. Où la redondance d’éléments scénaristiques devenaient une critique acérée des méthodes, moyens et résultats d’une telle entreprise.

Cette rédemption est la fois celle d’un héro fatigué et d’une série qui ronronne dans le mauvais sens du terme. On s’échappe de Los Angeles, on évacue la CTU. Enfin il y a ce sentiment culpabilisateur. Les nombreux reproches quant à la nature même du show et la polémique autour d’une apologie de la torture, ont travaillé les producteurs comme scénaristes. En effet, il est question d’un Jack Bauer accusé de torture et devant justifier ses actes devant un tribunal. Si la série de Joel Surnow avait fait du dicton la fin justifie les moyens une arme narrative redoutable, son départ a peut-être entraîné cette soudaine direction, comme une formule un peu maladroite de mea culpa. Preuve d’un changement d’ère : après les années républicaines de W., celles démocrates d’Obama ?

Cet épisode zéro tente de condenser en une heure et demie quelques six années d’exploitations thématiques et autre gimmicks irréversibles. On se retrouve avec une formule bâtarde : structure identique au film annoncé, véritable arlésienne. Une première partie fonctionnant en mode résumé, et la dernière heure en temps réel. Episode prequel donc, convoquant de vieux fantômes comme situations narratives, tout en exploitant un nouveau contexte. Après le premier président noir de la première saison, place à la première femme président. Et un Jack désabusé qui a, semble-t-il, brûlé le drapeau américain. Un passage de relais entre deux époques.

Difficile de critiquer ainsi ce qui semble être une petite pièce d’un puzzle imperceptible. On retrouve un Jack Bauer pour une fois égocentrique, bien loin de l’image patriotique des premières saisons qui avaient fait de lui la grande figure christique des années post-11 Septembre. Aujourd’hui Jack roule pour lui uniquement, et si sa tendance empathique à sauver le monde fait toujours parti intégrante de sa personnalité, la fuite est devenue un nouvel ingrédient à prendre en compte. Evolution logique après les différents sacrifices et désillusions qu’il a pu subir dans les deux dernières saisons. Détour en Afrique donc, dans un pays imaginaire en proie à un massacre ethnique comme un nouveau Rwanda. On n’évite pas une vision schématique du tiers monde, avec le blanc en sauveur (pas seulement Jack Bauer) et porteur d’éducation. Et le casque bleu trop caricatural, qui exploite une critique pertinente sur le principe de non-intervention, mais qui a trop tendance à confondre cette politique avec la lâcheté la plus inhumaine. Venant d’un pays qui pratique le tout-interventionnisme comme une forme d’ingérence, la pilule a du mal à passer. Reste un discours très juste sur les raisons qui poussent à l’aide internationale. Quand les enjeux économiques sont nuls, il n’y aucune raison de s’investir.

Exercice toujours périlleux car aux lisières du superflu, ce prequel joue son rôle. De numérotation initiale comme un nouveau départ. Et d’offrir les armes pour aborder une saison dans de biens meilleures dispositions. Pour la première fois, une saison de 24 méritera plus d’une journée. Comme une façon de repenser son concept dans la continuité. Il faut croire que la grève des scénaristes aura eu ce mérite : celui de donner du temps et de l’espace pour les scénaristes de réfléchir à l’objet 24 aussi bien dans sa forme que dans son fond.