Lucarne

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2009 avr. 27

The Kill Point, petite expérience narrative

kill_point.jpg Dans le grand jeu des sept familles, on semble vouloir de plus en plus comparer le cinéma et les séries. Alors que la télévision a toujours été le parent pauvre du monde des images en mouvement, on voudrait croire aujourd’hui que les barrières ont lâché. Qu’il n’existe d’art moins noble. Cette réhabilitation sensibilise le cinéphile à un nouveau sujet, celui de la petite lucarne et ses nouveaux choix de narration. On laisse de côté le téléfilm, version film de poche (dans sa conception et non sa nature), qui n’entre pas dans la danse des comparaisons.

Si les sériephiles peuvent se féliciter de ne plus être des marginaux (encore que certaines idées reçues ont la vie dure), il faut toutefois tempérer cette petite révolution. Comparer le cinéma et les séries est aussi pertinent que mettre en relation une nouvelle et un roman : les deux genres reposent sur des codes différents qui les distinguent. Et dans le cadre film contre série, tout se joue sur la durée et par extension, sur la narration.

Raconter une histoire en deux heures ou en dix heures (pour les séries les plus courtes) impose un traitement particulier. Ecrire une vérité aussi évidente relève de la gentille idiotie. Mais elle fonde la principale réponse aux obsédés des comparaisons. Il n’est pas question de savoir de qui du cinéma ou de la série est le grand gagnant à ce jour. Les deux media sont suffisamment vastes pour accueillir la gloire ou la reconnaissance. Sans que la cohabitation entache l’une ou l’autre.

En revanche, il est intéressant de relever les possibilités qu’entraîne une narration plus ample, qui peut prendre son temps par opposition au cinéma. A ce titre, prenons l’exemple de The Kill Point. Choix pertinent puisqu’il investit un genre cinématographique : le film de casse.

Au cinéma, ce genre de film impose une tension palpable, capable de jouer avec les nerfs du spectateur, de maintenir son attention alerte et se permettre quelques rebondissements. Une expérience qui se vit physiquement pour peu le sujet soit traité avec toute l’implication qu’il mérite. Le format court siée bien au style, les ellipses permettent de recentrer l’action autour de figures imposées indispensables. Aussi, étiré sur plusieurs heures, les dés sont pipés et il faudra aux scénaristes l’ingéniosité de combler l’attente du spectateur et de maintenir son attention éveillée.

Ainsi s’expose le challenge que représente The Kill Point. Etre capable de raconter en une poignée d’heures le casse et le siège d’une banque. Cet étirement narratif trouve son origine dans l’explosion du « temps réel » initié par 24. La première saison de Prison Break est issue de ce dispositif : user d’une vingtaine d’épisodes pour raconter une histoire courte dans le temps. Fini les saisons qui durent une année complète. On compresse le temps pour mieux exploiter la richesse d’un présent obsédant. A ce titre, si on replace les sept saisons de The Shield constituant l’intégralité du show, on se retrouve avec une unité temporelle limitée.

Pour comprendre la réussite de The Kill Point, il faut imaginer le processus de fabrication comme une immense partie d’échecs. Les scénaristes nous invitent à suivre pas à pas leur stratégie. Ils dévoilent leurs coups, mais parviennent à maintenir un aspect non déterminé. Et jouent avec la mémoire du spectateur. Il s’agit de mettre en place des éléments, les laisser dormir le temps de plusieurs épisodes, et les faire surgir quand on s’y attend le moins. Comme aux échecs, il faut masquer ses attaques et détourner l’attention de l’adversaire. L’attente est partie prenante du duel. Et dans le cadre d’un siège, permet de ressentir l’endurance de l’évènement. La série permet de vivre l’action, ou plutôt la non action. La richesse et le tour de force de The Kill Point ne se situent pas dans des séquences débridées ou quelques révélations un peu faciles mais efficaces. Mais dans ces moments où l’on ne parle pas, où l’on attend la peur au ventre, l’excitation à son apogée, l’incompréhension ou la colère passive. Des sentiments qui s’égrènent tout au long d’interminables minutes où chaque seconde poussée est un pas de plus vers la défaite (quelle que soit la position de l’intéressé, braqueur, otages comme flics). Les raisons du braquage (récupération politique intéressante) ou les astuces du négociateur (excellent Donnie Whalberg) intéressent moins que l’introspection liée aux otages. La durée du show permet aux spectateurs de ressentir plus expressément l’effroi caractéristique. Si tous les points de vue sont exposés avec équités, on demeure proche de ce que l’on est en mesure de connaître ou rencontrer. Et ici, la plupart d’entre nous seraient des otages.

Dans ce grand jeu de rôle orchestré par un joueur démiurge, les éléments s’imbriquent et l’ensemble appartient à ce genre de récit millimétré, conçus avec un rare sens de l’efficacité presque mathématique. La gestion du rythme ressemble au plan d’un esprit pugnace qui pratique ses assauts avec une régularité d’horloger. Fonctionnant par vagues successives entrecoupées par ces phases introspectives mentionnées plus haut, on ne s’ennuie jamais. Le joueur d’échec est parvenu à transformer ses carences ou faiblesses potentielles en une arme redoutable. Et de retourner contre son adversaire (en l’occurrence nous, sceptique par la nature de l’entreprise) quelques préjugés stériles mais pourtant pertinents (pour les raisons exprimées au début de cet article).

Quand la série s’évade, elle manque un peu le coche. D’une résolution en demie teinte. Quelque part, il était impossible d’apporter une conclusion satisfaisante, tant la série a démontré qu’elle se suffisait d’une posture d’attente silencieuse. Mais elle se précipite un peu trop et part dans un sensationnalisme portée sur l’action. On a l’impression qu’elle joue alors contre nature. Qu’elle se répudie dans un acte autodestructeur. Une facilité scénaristique qui permet de clore un récit mené de main de maître, qui aurait gagné à conserver cette sobriété caractéristique d’une narration qui s’élabore sur la longueur. C’est donc logiquement quand la série joue sur le terrain du cinéma qu’elle perd sa force de distinction et erre dans une posture un peu bâtarde.

The Kill Point présente la synthèse de ce qui peut se faire de mieux en matière de construction scénaristique et narratif par opposition au cinéma. Elle n’est et ne sera jamais la plus grande série qui soit, par manque d’épaisseur, mais elle demeure cet objet fascinant, par ce qu’elle est capable de déployer. Une histoire minimaliste dans son principe (un casse, un siège), mais qui devient spectaculaire par sa volonté de ne (presque) jamais céder aux sirènes d’un traitement de cinéma. Grand moment d’endurance de la part des scénaristes, qui déterminent l’identité et les possibilités narratives dans un univers vaste où il reste encore beaucoup à démontrer. 24 a été la vigie des années 2000 et le creuset d’expérimentations diverses qui se communiquera jusque dans le cinéma. Le passage de témoins se fera désormais dans l’autre sens, les séries télé se sont enfin affranchis de leur dette et exploite avec conviction et fierté le champ des possibilités qui s’est ouvert à elle depuis bien longtemps.

2009 mar. 26

Prison Break, chronique d'une chute (3ème partie)

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SURENCHERE, ARTIFICIEL ET EXCES

Pour gonfler artificiellement son intrigue depuis la première saison, en plus des projets d’évasions et de chasse à l’homme, les auteurs ont mis en place une sombre conspiration. L’emploie d’un tel arc narratif est toujours sujet à précaution. Car elle peut rapidement devenir incontrôlable. Au fil des années, elle a pris une place plus importante et une forme de moins en moins indentifiable. Cas d’école, où la création échappe à son créateur. A force de verser dans la surenchère, il vient un moment où l’on perd toute crédibilité. Dans une œuvre comme Prison Break pour qui le souci de probabilité était déjà mince, cela se paye par une intrigue impensable, où l’on ne s’intéresse plus à ce peut se passer et ce qui pourrait arriver au moindre personnage. On détruit toute notion d’empathie et tout ressort dramatique. Les révélations, les rebondissements, les cliffhangers deviennent inoffensifs.

Cette quatrième saison sonne donc comme la tentative de résoudre une partie des problèmes soulevés. Seulement les auteurs prennent le problème par le mauvais bout. Plutôt que de calmer le jeu et poser les enjeux de ce nouveau concept, ils précipitent et jettent de l’huile sur le feu. Tentative de retrouver l’aspect urgentiste des débuts, mais avec un contexte qui aurait mérité davantage de retenue. Passée les séquences où l’on résume en une poignée de seconde ce que personne n’était parvenu à faire en trois saisons (à savoir arrêter tout le monde – ou presque, et les réunir sous le même toit), on nous inflige cette intrigue express. Les scénaristes veulent se faire pardonner du sur place de la troisième saison, mais confondent vitesse et précipitation. Prison Break fut dans ses deux premières saisons une course contre la montre, contre le temps. Parce que l’existence même du contexte imposait ce caractère. Mais quand il n’existe plus aucune raison native, cette distinction ne sert plus à rien et vient même contredire son emploie. Position bâtarde et délicate, que même le plus chevronné des équilibristes ne parviendrait à traverser.

Prison Break investit dans la culture de la surenchère. Principe qui traduit une nouvelle fois un aveu d’échec. Où il s’agit toujours d’aller plus haut, plus loin, plus fort (trinité des suites et remakes) sans regarder en arrière. Des œillères sur les yeux, on avance droit devant en tentant vaille que vaille d’éviter les obstacles. Seulement à oublier le passé, on finit par se renier. Et pervertir des éléments mis en place plus tôt, sans le moindre remord. Série capitaliste qui a toujours misé sur le profit direct que la réussite artistique. Ce penchant mercantile se trouve illustré par le retournement de situation au 04x12 et la résurrection maternelle au 04x16.

(A suivre...)

2009 mar. 20

Prison Break, chronique d'une chute (2nd partie)

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SYMBOLISME EPIDERMIQUE

Ce 04x01 donne dans la symbolique lourde : Sona réduit en cendre, assassinat provisoire et permanent (Gretchen, Wisthler), résurrection de Sarah. Ces trois éléments qui constituaient les principaux axes narratifs de l’année passée sont réduits à néants. Rarement une série aura abdiqué devant l’échec au point de le faire disparaître. Comme si la saison était traitée comme une simple ellipse que l’on exploiterait de temps à autre pour combler un vide. Mais la série va plus loin dans l’abnégation et la métamorphose : l’éradication du tatouage de M. Scofield. Ce motif qui avait fait de la série son principal gimmick est effacé. Puisqu’il n’apporte plus aucun prétexte narratif, les auteurs préfèrent l’annihiler. Nouvelle preuve d’une tentative de se poser sur de nouvelles bases. Principe valable s’il avait été associé à une refonte de son titre. Sans forcément changer le nom de la série, un tag supplémentaire aurait été judicieux. Où alors peut-on imaginer que malgré leur liberté, celle-ci n’est que purement théorique, où même à l’air libre, les détenus sont toujours prisonniers de quelque chose. La vie est une prison dont l’évasion est perpétuelle.

En enlevant le tatouage de Scofield, les scénaristes ont, semble-t-il, voulu affirmer que son personnage principal n’était pas (ou plus) le mec intelligent qui fait sortir son frère de prison. Alors que sa fonction était gravée jusque dans sa chair, on voudrait nous faire croire à une forme de réincarnation. Bien que l’idée en soit se défend, les auteurs, en reniant leurs origines, enlèvent un stigmate du show. Et par extension, amoindrissent le pouvoir d’évocation de son personnage principal : le martyr. Ils sont alors forcés de trouver un palliatif. Comme un lapin sorti de la manche d’un magicien, le voilà flanquer d’une tumeur au cerveau. Nouvelle preuve de l’échec artistique du show ; on créé une épée de Damoclès comme un deus ex machina, prétexte à suspense inutile et effet lacrymal de pacotille.

MISSION IMPOSSIBLE

Par le dispositif mis en place, les auteurs nous lancent un nouveau message : par l’intermédiaire d’un agent de la sécurité intérieure, le groupe d’évadés ont le choix entre participer à un vaste projet d’abattre la Compagnie ou retourner en prison. Par déduction, soit la série n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était, soit on se retrouve avec une saison trois bis, et un fumeux projet d’évasion. Une forme d’alibi qui excuserait toutes exagérations scénaristiques. De la série d’évasion, on passe au récit d’espionnage. Alors qu’Alias et Chuck ont fourni une relecture respectueuse pop et ludique, Prison Break invoque les fantômes de Mission Impossible. Avec sa structure centrée sur un homme-cerveau en mode commandé (Scofield/Phelps) et une poignée d’agents complémentaires à la fonction définie. Au de-là de l’aspect improbable de la situation, se trouve alors une nouvelle dynamique. Acte salvateur en puissance qui devrait sortir la série de son marasme.

(A suivre...)

2009 mar. 14

Prison Break, chronique d'une chute (1ère partie)

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La quatrième saison de Prison Break offre un magnifique terrain d’analyses diverses mais convergeant en un seul point : son résultat catastrophique.




IL ETAIT UNE FOIS...

Son titre augurait un programme éphémère. L’évasion d’une prison. Formidable outil narratif et usine à de paroxystiques moments. Genre cinématographique par excellence (La Grande Evasion), elle tentait de s’inscrire dans l’engouement post-24 en étirant le déroulement du temps. Sans toutefois atteindre le temps réel, phénomène casse-gueule incompatible avec une évasion. Victime une première fois de son succès, voilà les scénaristes obligés de pousser l’exercice une dizaine d’épisodes supplémentaires. On y perd l’urgence matricielle et un volte face poussif, ce qu’on gagne en habile manipulation scénaristique qui consiste à tout reprendre depuis le début ou presque. Reload intramuros intéressant, et les scénaristes s’en sortent plutôt bien.

Mais la vie de scénaristes est parfois un éternel recommencement. Le projet se poursuit, malgré l’évasion du titre accomplie. On assiste alors à une des meilleures idées du moment : poursuivre l’aventure post évasion. On entre alors dans un événement intéressant : refonte totale de l’idée du show, mais dans la parfaite continuité. Comme raconter l’épilogue d’une histoire bouclée. Le fantasme du fan assouvi, qui voit se réaliser le vœu de pouvoir enfin savoir ce qui se passe après.

AUTOCOMBUSTION

La suite est une longue descente aux enfers. Un calvaire insurmontable. Pris dans une spirale sans fin, l’intrigue s’embourbe dans l’imbroglio conspirateur. Scofield contre le reste du monde. David contre Goliath. Tout comme X Files en son temps, pris en otage d’un dispositif pourtant auto-implanté, Prison Break devient un immense brouillon scénaristique. Un puis sans fond, fait de rebondissements factices comme autant de circonvolutions vaines. Les bras qui s’agitent d’un nageur en train de se noyer. On assiste impuissant et dépité au naufrage d’un concept fulgurant. Pris dans les mailles d’un filet, échoué sur l’autel du consumérisme. Celle qui fut consacrée par la presse et le public, rejoint les limbes de ces séries à combustion spontanée vouées à devenir un vulgaire feu de paille.

Lorsque la quatrième saison débute, on sent comme une volonté de la part des auteurs d’oblitérer la précédente. De sinistre mémoire, elle imposait un certain caractère conclusif. Alors cette saison 04, remake de la saison 02, comme la 03 était celle de la première ? Ce traitement en boucle comme nouvelle preuve d’un appauvrissement scénaristique supplémentaire. Tout commence donc, par un résumé en voix off. On affiche la décision de repartir de zéro, en usant du passé comme la création du contexte. Trois années réduites à quelques lignes sur un scripte. Avec en conclusion l’ironique sentence : tout finit aujourd’hui (aveu, regret des auteurs ?).

(A suivre...)

2009 fév. 16

CSI, erreur relevée : Anomalie (2nd partie)

CSI.jpg UNE ANNONCE FROIDE ET DESINTERESSEE

Enfin, vient le temps de la décision. Et des adieux. Dans sa forme, le départ de Grissom est orchestré comme les différents évènements relatés dans cet article. Le mariage de la rigueur professionnelle stricte et d’un débordement sentimental brut. La situation initiale convoque de vieux souvenirs : la séquence de répartition des affaires. Depuis quelques années, les scénaristes avaient délaissé ce procédé pourtant significatif de l’univers du show. Comme une marque de fabrique que l’on abandonne par lassitude. Une fois les papiers distribués, Grissom annonce de but en blanc son départ à la retraite anticipé. Sans prendre de gants, sans débordement affectif. L’annonce la plus froide et désintéressée de la télévision.

Cette mise en scène correspond bien à la personnalité de Grissom et par extension, à celle de la série. Si l’on s’attarde quelques temps sur le visage des différents collègues, on enchaîne vite sur l’enquête du jour. Une nouvelle fois, les quelques sentiments personnels sont convoqués au second plan, seul l’aspect professionnel importe. Evidemment, l’épisode est ponctué de petites discussions/hommages à cet homme important. Lui, qui incarnait l’image de CSI, bien mieux que ces homologues des séries annexes. C’est une figure des années 2000 qui tire sa révérence. Après Vic McKay (autre genre de flic, aux antipodes), Gil Grissom disparaît des écrans.

L'EMOTION EST UNE ANOMALIE

Les dernières images de Grissom dans le Lab’ sont significatives et porteuses de la toute la mythologie du show. Démarche lente, comme au ralenti, comme une dernière visite. Un dernier regard à ses anciens collègues. Sa famille. Sans un mot, il s’éloigne seul. Personne ne l’arrêtera. Tout le monde est occupé à travailler. Seule Catherine lui jettera un dernier coup d’œil. Avec un seul sourire en guise d’adieu. La mise en scène donne l’aspect solennel indispensable. Sans sursignifier une symbolique déjà forte. Elle souligne le caractère immuable d’une dévotion professionnelle. Tous ces corps qui s’agitent, comme des fourmis au travail, n’existent que dans la pratique du labeur. Et lorsqu’un élément imminent s’en va, il n’y a pas de temps à lui consacrer. A défaut de la vie continue, on emploiera le travail continue .

L’épilogue constitue alors le dernier contrepied de la politique du show. Retrouvailles forte en émotion, digne des plus classiques mélos, dans la jungle argentine. Un pic émotionnel sans retenue. Un peu maladroit par défaut, car les auteurs/réalisateurs n’ont jamais eu à écrire/diriger de telles séquences. L’aventure Grissom s’achève sur le premier et véritable épanchement émotionnel. Comme pour signifier, qu’à présent, le personnage est changé dans sa nature, qu’il n’a plus sa place dans le show. Tout comme le départ de Sarah impliquait le même raisonnement. Dans CSI, l’émotion est inscrite comme une anomalie qu’il faut corriger.

CSI 2.0 ?

Après neuf années de bons et loyaux services, une page importante des CSI se tourne. Pour commencer un nouveau chapitre, les auteurs ont décidé de placer un nouveau personnage dans l’exercice de l’apprentissage. Une personnalité à la fois érudite et expérimentée, mais novice dans l’exercice du métier d’expert scientifique. Une façon de relancer le show avec une nouvelle configuration. Comme une évolution naturelle. Avec cette soudaine orientation, la série entre dans un nouveau schéma : celui de la série-monde, où une nouvelle génération succède à l’autre.

2009 fév. 12

CSI, erreur relevée : Anomalie (1ère partie)

CSI.jpg Dans une machinerie aussi millimétrée que celle de CSI, la contemplation est apparentée à un grain de sable venu enrayer son bon fonctionnement. Après plus de neuf années, les scénaristes ont orchestré un magnifique effort composé du plus beau grain.

Le cahier des charges, strictes, ne laissent aucune place au superflu. L’efficacité comme maître mot impose de la rigueur et une marge de manœuvres restreintes. Tel est l’adage de CSI. Où chaque séquence de l’épisode est dédiée à la grande œuvre. On pouvait noter, toutefois, deux exceptions dans les années passées. Mais deux faux exemples. Quand deux réalisateurs de cinéma sont invités à mettre en scène un épisode, les règles d’or s’estompent au profit du nouvel hôte et de ses principales aspirations. Des dialogues tarantinesques dans le final de la saison six, et une séquence éthylo-narcotique pour le Friedkin de la huitième.

ACTE DOULOUEUX DE REBELLION

Second épisode de la neuvième saison. Après le traumatisme imposé par la mort violente de Warrick Brown, place au spleen. Le contre coup. Sarah et Grissom sont au lit. Le téléphone sonne. Mais aucun d’eux ne semblent vouloir répondre. A cet instant bien précis, la série va à l’encontre de sa propre nature. Comme acte parfait de rébellion. Toute l’existence de CSI se résume autour de la profession. On ne s’intéresse pas ou peu aux vies privées, seule l’incarnation scientifique importe. Les personnages sont des corps au service de leur métier. Leur abnégation dépasse de loin toute considération intime. Leur famille est aussi leur collègue. Warrick ne vient-il pas de confesser, l’épisode précédent, qu’il voyait Grissom comme son père de substitution ?

UN SEISME BOULEVERSE LES FONDATIONS DU SHOW

Alors la vision de deux corps, dans ce lit, agit comme un électrochoc. Ou un salut. La série impose, pour la première fois, une émotion naturelle et imprévisible. Non issue d’une enquête éprouvante, mais de la réaction humaine à un évènement traumatique. Et par extension, cette brusque irruption de créer son reflet cathartique. La lassitude de voir se répéter, neuf années durant, la même routine ? Pour le spectateur, non, les chiffres témoignent du contraire, mais en ce qui concerne Grissom, et peut-être Sarah avant lui, le doute n’est pas permis. Lui qui incarnait la perfection de l’imagerie thématique de la série – aucune ambition professionnelle, corps dédié, misanthropie – se pare ici du voile de l’asthénie.

Cette soudaine procrastination provoque un séisme qui bouleverse les fondations du show. Le dialogue entre Sarah et Grissom est moins important que l’acte : le refus de répondre à l’appel. Mais si on regarde un peu en arrière, on se rend compte que le ver était depuis bien longtemps dans la pomme. Revoir les premiers épisodes de la série démontre à quel point l’attitude de Grissom a changé. L’être espiègle des débuts a laissé place à une version presque apathique, un peu désabusé. On pense à Morgan Freeman dans Se7en. La pression du poids des années, où la routine exerce un étrange pouvoir de désillusion. Un total abandon de vagues espoirs en ce qui concerne l’espèce humaine. Trop de meurtres toutes ces années durant ont dévoré les espérances du vieux loup. On voit dans ce portrait quelques rémanences de Jack Malone de Without a trace. Sa mine droopesque, son regard un peu vide et son cynisme.

AU CHEVET DE L'INTROSPECTION

L’effet se poursuit dans les deux épisodes suivants. Encore une image de Grissom sur son lit, hésitant à répondre au téléphone. Une réflexion de Catherine un peu plus tard complète le tableau. Clin d’œil des scénaristes aux spectateurs, pour savoir s’ils ont bien suivi. Mais dans le cinquième épisode, la place laissée au doute de Grissom et son avenir au sein des CSI occupe la moitié du temps. Introspection auprès de Lady Heather sous couvert d’une enquête en cours, où le travail de recherche dissimule autant de questions et réponses autour de l’homme et son rapport à Sarah. Ponctuer ainsi l’enquête de dialogues analytiques sur l’intime, récurrence d’une vidéo de Sarah comme confession sont des éléments nouveaux et en contradiction avec la nature de la série qui avait banni ce procédé de son cahier des charges.

(A suivre...)