Lucarne

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2009 juin 13

A suivre...

On pourra désormais retrouver Lucarne à cette adresse :

http://fenestrula.free.fr/lucarne

2009 mai 2

Damages, saison 02 : Futur antérieur

Damages.jpg Damages nous rejoue le mythe d’Icare. Après avoir tutoyée les cimes d’une intrigue labyrinthique, la série chute. Trop près du soleil, la première saison ? Etre parvenu à s’élever au dessus du lot annuel de séries fut déjà une belle prouesse. Dans le contexte morne de la grève, son format lui permit d’assurer jusqu’au bout. Et même un peu plus loin. Seulement le challenge de maintenir l’altitude sembla trop grand. On se disait, avec naïveté, qu’après une telle maîtrise, les scénaristes savaient quelle direction prendre, qu’elle traitement appliquer. Toute cette première saison ne pouvait être un accident. En écrivant cette fin ouverte, ils s’entrouvraient la possibilité d’inscrire leur nom à la postérité. On a parié sur le mauvais cheval. Et si cette seconde saison n’efface en rien les qualités de la précédente, on ne peut que ressentir un brin d’amertume devant tant d’opportunités et d’espoir gâchés.

A posteriori, tout se joue sur les premières images. Comme la saison précédente, ce premier épisode débute par un flash-forward. Effet chromatique dispensable et impression gênante d’un monologue face caméra. Soumission à un principe narratif qui passe d’outil à gadget. Le double axe temporel, dans la première saison, se justifiait dans l’intersection, quand le présent/futur rejoint le passé/présent. Or comme la seconde saison n’opère aucune (ou volonté de) modification immédiate de la ligne narratrice, la balance n’est pas préservée et l’effet ne fonctionne plus. Détournement de la nature du show qui sacrifie sa sève de thriller économico-judiciaire en un procédé narratif, sorte de gimmick d’écriture. C’est d’une part mésestimer ses qualités scénaristiques, sa construction savante et efficace et d’autre réduire le show à un exercice de style. Enfin leurs apparitions laissées au hasard n’apportent plus aucune information intéressante, et leurs présences, aucune corrélation, même vague, avec la séquence précédente.

Passée l’immédiate déception, la frustration nous gagne. Si dans sa globalité, la qualité de cette saison est inversement proportionnelle à celle de la précédente, tout n’est pas à jeter et on peut même trouver des choses intéressantes. Car les enjeux sont nombreux et les scénaristes les exploitent (mal) quasi tous. De l’épée de Damoclès au dessus de la tête de Patty Hewes à la vengeance d’Ellen (contre Patty et Frobisher). Inscrit en filigrane dans une nouvelle affaire au potentiel énorme, on se demande comment les auteurs ont pu rater le coche à ce point. Toute la partition d’Ellen est figée sur le même mode : mâchoire serrée, œil au bord des larmes mais regard sombre. Une posture qu’elle tiendra toute la saison, en mode bi-registre. Le parcours de Patty est plus intéressant, mais seule sa relation avec son fils tiendra toutes ses promesses. Tom est laissé à l’abandon, Frobisher en amuseur public (même si son revirement zen s’inscrivait dans la logique du personnage, excessif).

Des nouveaux personnages ou la nouvelle affaire, on retiendra ce traitement en dépit du bon sens qui sacrifie toute excellence au profit d’un étale de choses éparses, voire insignifiantes. Une bouillie narrative qui exploite très mal des situations pourtant emprunte d’une charge plus puissante que l’affaire précédente. Dimension politique dans le milieu de l’énergie, thème très actuel en ces temps de grenelle de l’environnement. Son évolution au cours de la saison lui donne de l’ampleur et un visage protéiforme. On se surprend même de regretter un traitement aussi rapide, comme on ne parvient pas à saisir l’importance de tous ces enjeux. La faute encore à une narration trop décousue, qui place très mal ses personnages (Daniel Purcell disparaît sans donner de nouvelles pendant quatre ou cinq épisodes, Frobisher n’intéresse plus les scénaristes quand son implication maladroite dans la nouvelle affaire n’est plus d’actualité) et exploite jusqu’à la lie certaines situations (les rencontres avec le FBI, le trader cocaïnomane, le GPS). On vient à se demander si les auteurs n’ont pas tenté de courir trop de lièvres à la fois (Affaire d’empoisonnement + malversations financières d’UNR, meurtre de Mme Purcell, enquête du FBI, intrigue autour de l’Oncle Pete, vengeance d’Ellen contre Frobisher, contre Patty, le deuil d’Ellen et la liste n’est pas finie).

Il est amusant de noter que les deux agents du FBI que rencontrent Ellen sont deux personnalités importantes dans conception de la série. Mario Van Peebles, réalisateur et surtout Glenn Kessler crédité aux scénarii et comme créateur. Amusant parce que les séquences où ils apparaissent entraînent le rythme vers le bas, voire les abîmes dans un season final qui évente tous les flash-forward. Est-ce la volonté de se mettre en scène qui leur fait manquer de recul quant à la pertinence de ces séquences ? Créateurs et créatures, ils deviennent les boucs émissaires du naufrage de cette saison. Dans un final mou et pragmatique, les auteurs ont réduit les fenêtres d’évolution possible pour la troisième saison. Patty annonce à Tom qu’Ellen reviendra. Si cette dernière réplique s’avère prophétique, Damages aura alors passé le point de non retour.

2009 avr. 27

The Kill Point, petite expérience narrative

kill_point.jpg Dans le grand jeu des sept familles, on semble vouloir de plus en plus comparer le cinéma et les séries. Alors que la télévision a toujours été le parent pauvre du monde des images en mouvement, on voudrait croire aujourd’hui que les barrières ont lâché. Qu’il n’existe d’art moins noble. Cette réhabilitation sensibilise le cinéphile à un nouveau sujet, celui de la petite lucarne et ses nouveaux choix de narration. On laisse de côté le téléfilm, version film de poche (dans sa conception et non sa nature), qui n’entre pas dans la danse des comparaisons.

Si les sériephiles peuvent se féliciter de ne plus être des marginaux (encore que certaines idées reçues ont la vie dure), il faut toutefois tempérer cette petite révolution. Comparer le cinéma et les séries est aussi pertinent que mettre en relation une nouvelle et un roman : les deux genres reposent sur des codes différents qui les distinguent. Et dans le cadre film contre série, tout se joue sur la durée et par extension, sur la narration.

Raconter une histoire en deux heures ou en dix heures (pour les séries les plus courtes) impose un traitement particulier. Ecrire une vérité aussi évidente relève de la gentille idiotie. Mais elle fonde la principale réponse aux obsédés des comparaisons. Il n’est pas question de savoir de qui du cinéma ou de la série est le grand gagnant à ce jour. Les deux media sont suffisamment vastes pour accueillir la gloire ou la reconnaissance. Sans que la cohabitation entache l’une ou l’autre.

En revanche, il est intéressant de relever les possibilités qu’entraîne une narration plus ample, qui peut prendre son temps par opposition au cinéma. A ce titre, prenons l’exemple de The Kill Point. Choix pertinent puisqu’il investit un genre cinématographique : le film de casse.

Au cinéma, ce genre de film impose une tension palpable, capable de jouer avec les nerfs du spectateur, de maintenir son attention alerte et se permettre quelques rebondissements. Une expérience qui se vit physiquement pour peu le sujet soit traité avec toute l’implication qu’il mérite. Le format court siée bien au style, les ellipses permettent de recentrer l’action autour de figures imposées indispensables. Aussi, étiré sur plusieurs heures, les dés sont pipés et il faudra aux scénaristes l’ingéniosité de combler l’attente du spectateur et de maintenir son attention éveillée.

Ainsi s’expose le challenge que représente The Kill Point. Etre capable de raconter en une poignée d’heures le casse et le siège d’une banque. Cet étirement narratif trouve son origine dans l’explosion du « temps réel » initié par 24. La première saison de Prison Break est issue de ce dispositif : user d’une vingtaine d’épisodes pour raconter une histoire courte dans le temps. Fini les saisons qui durent une année complète. On compresse le temps pour mieux exploiter la richesse d’un présent obsédant. A ce titre, si on replace les sept saisons de The Shield constituant l’intégralité du show, on se retrouve avec une unité temporelle limitée.

Pour comprendre la réussite de The Kill Point, il faut imaginer le processus de fabrication comme une immense partie d’échecs. Les scénaristes nous invitent à suivre pas à pas leur stratégie. Ils dévoilent leurs coups, mais parviennent à maintenir un aspect non déterminé. Et jouent avec la mémoire du spectateur. Il s’agit de mettre en place des éléments, les laisser dormir le temps de plusieurs épisodes, et les faire surgir quand on s’y attend le moins. Comme aux échecs, il faut masquer ses attaques et détourner l’attention de l’adversaire. L’attente est partie prenante du duel. Et dans le cadre d’un siège, permet de ressentir l’endurance de l’évènement. La série permet de vivre l’action, ou plutôt la non action. La richesse et le tour de force de The Kill Point ne se situent pas dans des séquences débridées ou quelques révélations un peu faciles mais efficaces. Mais dans ces moments où l’on ne parle pas, où l’on attend la peur au ventre, l’excitation à son apogée, l’incompréhension ou la colère passive. Des sentiments qui s’égrènent tout au long d’interminables minutes où chaque seconde poussée est un pas de plus vers la défaite (quelle que soit la position de l’intéressé, braqueur, otages comme flics). Les raisons du braquage (récupération politique intéressante) ou les astuces du négociateur (excellent Donnie Whalberg) intéressent moins que l’introspection liée aux otages. La durée du show permet aux spectateurs de ressentir plus expressément l’effroi caractéristique. Si tous les points de vue sont exposés avec équités, on demeure proche de ce que l’on est en mesure de connaître ou rencontrer. Et ici, la plupart d’entre nous seraient des otages.

Dans ce grand jeu de rôle orchestré par un joueur démiurge, les éléments s’imbriquent et l’ensemble appartient à ce genre de récit millimétré, conçus avec un rare sens de l’efficacité presque mathématique. La gestion du rythme ressemble au plan d’un esprit pugnace qui pratique ses assauts avec une régularité d’horloger. Fonctionnant par vagues successives entrecoupées par ces phases introspectives mentionnées plus haut, on ne s’ennuie jamais. Le joueur d’échec est parvenu à transformer ses carences ou faiblesses potentielles en une arme redoutable. Et de retourner contre son adversaire (en l’occurrence nous, sceptique par la nature de l’entreprise) quelques préjugés stériles mais pourtant pertinents (pour les raisons exprimées au début de cet article).

Quand la série s’évade, elle manque un peu le coche. D’une résolution en demie teinte. Quelque part, il était impossible d’apporter une conclusion satisfaisante, tant la série a démontré qu’elle se suffisait d’une posture d’attente silencieuse. Mais elle se précipite un peu trop et part dans un sensationnalisme portée sur l’action. On a l’impression qu’elle joue alors contre nature. Qu’elle se répudie dans un acte autodestructeur. Une facilité scénaristique qui permet de clore un récit mené de main de maître, qui aurait gagné à conserver cette sobriété caractéristique d’une narration qui s’élabore sur la longueur. C’est donc logiquement quand la série joue sur le terrain du cinéma qu’elle perd sa force de distinction et erre dans une posture un peu bâtarde.

The Kill Point présente la synthèse de ce qui peut se faire de mieux en matière de construction scénaristique et narratif par opposition au cinéma. Elle n’est et ne sera jamais la plus grande série qui soit, par manque d’épaisseur, mais elle demeure cet objet fascinant, par ce qu’elle est capable de déployer. Une histoire minimaliste dans son principe (un casse, un siège), mais qui devient spectaculaire par sa volonté de ne (presque) jamais céder aux sirènes d’un traitement de cinéma. Grand moment d’endurance de la part des scénaristes, qui déterminent l’identité et les possibilités narratives dans un univers vaste où il reste encore beaucoup à démontrer. 24 a été la vigie des années 2000 et le creuset d’expérimentations diverses qui se communiquera jusque dans le cinéma. Le passage de témoins se fera désormais dans l’autre sens, les séries télé se sont enfin affranchis de leur dette et exploite avec conviction et fierté le champ des possibilités qui s’est ouvert à elle depuis bien longtemps.

2009 avr. 22

Dark Skies, passé recomposé

dark skies Débarqué en pleine X-Files-mania, Dark Skies n’a eu qu’une seule petite saison à son compteur. La série profitait de l’engouement pour les extraterrestres et les conspirations pour oser une relecture intelligente puisant dans la mythologie ufologique et l’histoire américaine.

Dark Skies rejoint le cimetière de ces séries trop vite enterrées. Le show créé par Bryce Zabel et Brent Friedman possédait pourtant tous les ingrédients pour une fidélisation à long terme. Jouant aussi bien sur la mode de l’époque que l’élan nostalgique américain. L’histoire débute pendant les années soixante et revisite les faits marquants. Qu’ils soient politiques, culturels ou de société. Les deux auteurs choisissent d’encrer leur récit dans un panorama historique pour en exploiter les failles ou situations ambigües. Combler les zones d’ombre par leur imagination. Et révéler une autre vérité. Seront ainsi reconsidérés l’assassinat de J.F.K., ainsi que celui de Lee Harvey Oswald par Jack Ruby, Robert Kennedy, la Beatles-mania, Jim Morrison, J. Edgar Hoover, etc. … A cette grande Histoire, Zabel et Friedman superposent les principaux faits ufologiques : le crash de Roswell, évènement matriciel, le Majestic 12, la Zone 51, les expériences sur les bovins, Betty et Barney Hill (premiers abducted)… un travail d’archéologie de niche.

La principale force de la série réside dans ce constant dialogue entre « fiction avérée » et réalité historique. Et retourne le célèbre proverbe en « un mensonge passe mieux s’il est entouré de deux vérités ». On se plait à revisiter l’histoire sous l’angle paranoïaque de l’invasion extraterrestre. « Ils sont parmi nous » disaient David Vincent dans Les Envahisseurs et Mulder dans X-Files. Comme dans les deux séries précitées, la menace a pris forme humaine. L’extraterrestre est un parasite qui prend possession de son hôte. Infectant la population, menant son invasion de l’intérieur. Si Dark Skies exploite le passé et l’ufologie, elle puise également dans la fiction (L’invasion des profanateurs de sépultures, Les Envahisseurs, de grands classiques).

Zabel et Friedman sont parvenus à jongler avec toutes ses influences, la rigueur historique, l’ufologie et rendre leur série vivante. Dark Skies n’est pas que l’ensemble de ses influences, mais une création unique qui parvient à engendrer sa propre forme avec du matériel usagé. A mi chemin entre l’exercice postmoderne et l’effet vintage. Les auteurs évitent de s’étouffer avec ce trop plein d’éléments rapportés, soignent leurs intrigues et imposent un fil conducteur dont la progression s’exprime au bout de quelques épisodes. Dès que l’on commence à s’habituer à la structure du récit, ils bouleversent les codes établis et reboot ainsi leur show. Et atteignent un final sombre et désespéré qui laissait présager d’une suite passionnante.

Enfin Dark Skies fut l’hôte de quelques gueules célèbres de la télévision : Eric Close (Without a Trace, Now & Again), Megan Ward (plus discrète on a pu la voir dans des épisodes de CSI, CSI Miami, NCIS, Boomtown, Melrose Place ou encore ER) J.T. Walch décédé peu de temps après la fin du show, Tim Kelleher (Dollhouse, 24, CSI, Without a trace, In Plain Sight, Six Feet Under, The West Wing…) ou encore Conor O’Farrell (CSI, Without a Trace, Medium, The Unit, Buffy…).

En bonus, le générique (VO) :


Dark Skies - theme

"Je m'appelle John Loengard. J'enregistre ce message, parce que nous serons peut-être morts demain. Ils sont là. Ils sont hostiles, et des gens puissants nous cachent leur existence. L'histoire telle que nous la connaissons, n'est qu'un mensonge."

2009 avr. 10

Drive, saison 01 : Accident de la route

Drive L’association Tim Minear et Nathan Fillion est maudite. Deux tentatives, deux annulations, injustes dans les deux cas. Tout d’abord Firefly, le bébé de Joss Whedon. Minear est coproducteur, Fillion personnage principal. Au bout d’une poignée d’épisodes, la Fox décide d’effacer la série de sa grille. Pour maigre consolation, on aura droit à un film en guise de clôture. Il faut croire que le mariage du western et de la science-fiction ne déplaçait pas les foules. Second échec, qui nous intéresse ici, Drive. Petite (par son ambition) mais efficace série d’action, que l’on appellerait série B au cinéma.

Drive raconte l’histoire d’une course illégale qui traverse les Etats-Unis. Le vainqueur remporte 32 millions de dollars. Si la plupart des participants sont volontaires, alléchés par l’appât du gain, le personnage de Nathan Fillion est projeté malgré lui dans cette course : il concourt pour sauver sa femme récemment enlevée.

Si l’histoire de cet homme, prêt à tout pour sauver sa femme, requiert l’attention principale, la série se joue en mode chorale. On dénombre une petite dizaine de personnages principaux. Tous d’horizons différents. D’une bande de copines, victimes de l’ouragan Katrina au couple père/fille en construction, de l‘ex-détenu fraîchement sorti de prison accompagné de son « nouveau » demi-frère, à la jeune maman. La série s’attarde sur chacun d’entre eux, leur donne une voix à écouter, de la place pour se développer. Ces personnages assurent à la fois un aspect humain plus conventionnel et permet d’aérer un récit limité à sa seule trame.

Drive ne brille pas par son inventivité. Elle exploite des thèmes connus, des situations exploitées, use des artifices propre au genre qu’elle aborde. On a droit aux longues séquences de poursuite. Plutôt bien réalisées. La technologie aujourd’hui permet de jouer astucieusement l’effet in & out de l’habitacle dans un même plan. Et ainsi conserver une visibilité totale associée à une dynamique convaincante. Sans surenchère, elles apportent l’impulsion nécessaire à un récit basé sur la rupture. Fuite en avant perpétuelle avec un nouveau check point en ligne de mire. Si la série met au premier plan ce sentiment de lutte contre le temps et l’espace, elle manque parfois de rigueur dans l’évolution de son action et sa narration. Jamais elle n’invoque une conception post-24 du temps réel ou de son adaptation libre comme dans Prison Break (1ère saison). Mais elle s’attarde sur des détails – pas inintéressants – qui nuisent à la plausibilité du récit. Elle s’exprime bien mieux quand il s’agit de replier l’espace pour faire tenir une distance dans une temporalité narrative condensée. A l’image d’un résumé de grand prix, où l’importance de l’évènement ne se situe pas dans la répétition ad nauseam des tours, mais dans l’exposition de faits succincts et marquants. Le show privilégie toujours l’action sur l’endurance.

Drive rejoint le cimetière des séries avortées. Sans avoir délivré toutes ses réponses, tout son potentiel. Si on ne lui donnait pas une espérance de vie à rallonge (anti-prison break), on pouvait espérer un meilleur sort. En l’état, elle demeure un programme agréable à regarder, qui semble convoquer ces séries 80’s/90’s avec une rigueur et un traitement 00’s (la série date de 2007). Un mariage que l’on retrouve dans Burn Notice (démystification de l’agent secret en une (re)lecture post-caméléon, le fun et le soleil de Miami en plus). On peut désormais retrouver Nathan Fillion en personnage principal de Castle. Formula cop show classique et sexy, qui, on l’espère, dépassera le stade de la (demie) saison.

2009 avr. 6

How I Met Your Mother, Friends au passé

HIMYM La nouvelle Friends. Sitcom, amis, trentenaires, new-yorkais, romance… on croirait lire les tags de Friends. Difficile de passer après le mastodonte, phare de la sitcom des années 90 avec Seinfeld. La série créée par Craig Thomas et Carter Bays pousse le jeu des comparaisons dans ses retranchements. Quel sentiment masochiste peut pousser les deux créateurs à conjurer le deuil des fans en leur proposant un palliatif aussi soudain ?

La sitcom a longtemps été prisonnière de sa conception. Une forme de théâtre enregistré pour la télévision. Avec son univers en plateau, pièces récurrentes où se joue l’intégralité du show. Alors il a fallu abattre quelques murs et offrir le monde vivant à la sitcom pour lui redonner vie. Sex and the City, Curb Your Enthousiasm, Arrested Developpement ou My name is Earl partent de ce principe. Donner à la sitcom une nouvelle identité visuelle basée sur le mouvement. D’autres ont choisi un axe différent. Jouer avec la narration. Les sages flash-back de Samantha Who ? et surtout How I Met Your Mother (HIMYM) qui pourrait être un peu le Lost de la sitcom (en moins nébuleux).

HIMYM est un immense work in progress. Une œuvre qui se monte pièce par pièce en fonction des souvenirs de Ted. Sorte de trajet narratif dans le passé, fait de détours, de retours, d’avance rapide et de déplacements latéraux. Si une ligne continue constitue l’axe principal du show (la rencontre avec sa future femme, mère de ses enfants), HYMYM se déploie comme un arbre aux vastes et infinies branches. Parce que la mémoire fonctionne ainsi, les souvenirs profitent parfois d’une situation pour en raconter une autre, et une autre, etc.… Ce qui confère à la série son identité remarquable, fait de petits ou grands développements, d’histoires racontées plusieurs fois selon un point de vue différent, de teasing (la série en est un immense), de manipulations temporelles.

Le show ne se repose pas uniquement sur ce traitement narratif en poupée gigogne. Thomas et Bays ont constitué un petit groupe d’amis pour donner libre court à leur imagination. Ted, héro romantique et idéaliste, Mashall gros nounours marié à Lily la tigresse, Robin, canadienne passionnée d’arme à feu et ancienne célébrité pop locale. Enfin le dernier, peut-être une des plus belles créations comique de ces dernières années, qui possède déjà son culte (site internet, livres dédiés, pastiches…) : Barney Stinson. Rien que pour lui, la série mérite d’être regardée. Auteur de punchlines mémorables (legend… wait for it… dary, suit up, have you met ted ?), homme à femme, macho, il incarne une forme pure de tous les travers masculins, mais avec une classe folle et un humour décapant. La fascination qu’il exerce abolit tout sentiments de dégoût, son imagination pour conquérir des coups d’un soir dépasse de loin l’entendement (le vieil homme du futur est incroyable). Son appartement respire l’être superficiel et éternel célibataire (collection de porn movies, un seul oreiller, gimmicks mâles…) et surtout, il profite du jeu de Neil Patrick Harris (Dr Horrible’s Sing Alone Blog).

Quelle est l’importance de la trame principale dans HIMYM ? Assez pauvre visiblement. Elle sert avant tout de prétexte. Amorcer un souvenir, poser un contexte, une façon d’entamer une nouvelle histoire. Un peu à l’image de la liste infinie d’Earl dans la série du même nom. Les deux auteurs profitent de ces évadées nostalgiques dans la psyché paternelle pour relater quelques blagues potaches et narrer les aventures d’une poignée d’amis à New-York. Discours sur la difficulté de trouver la femme idéale, ou celle de construire sa vie. Si la série peut gagner une forme de mélancolie par le prisme du passé, le rire immédiat des situations est préféré à cette intonation.

Depuis quatre saisons, on se demande comment Ted a rencontré la mère de ses enfants. Cette question requiert tellement peu d’importance, que l’on se demande si les auteurs tiennent vraiment à répondre. Si la venue de cette rencontre pose le terme de la série, il ne faudrait pas diluer le suspense dans des intrigues à rallonge et à l’intérêt discret, pour prolonger artificiellement le show. On a pu noter une baisse de qualité lors de la troisième et quatrième saison (en cours concernant cette dernière), mais l’ensemble tient encore la route. Assez pour que l’on continue à rire devant ces souvenirs et ces personnages.

2009 mar. 26

Prison Break, chronique d'une chute (3ème partie)

Prison_Break.jpg

SURENCHERE, ARTIFICIEL ET EXCES

Pour gonfler artificiellement son intrigue depuis la première saison, en plus des projets d’évasions et de chasse à l’homme, les auteurs ont mis en place une sombre conspiration. L’emploie d’un tel arc narratif est toujours sujet à précaution. Car elle peut rapidement devenir incontrôlable. Au fil des années, elle a pris une place plus importante et une forme de moins en moins indentifiable. Cas d’école, où la création échappe à son créateur. A force de verser dans la surenchère, il vient un moment où l’on perd toute crédibilité. Dans une œuvre comme Prison Break pour qui le souci de probabilité était déjà mince, cela se paye par une intrigue impensable, où l’on ne s’intéresse plus à ce peut se passer et ce qui pourrait arriver au moindre personnage. On détruit toute notion d’empathie et tout ressort dramatique. Les révélations, les rebondissements, les cliffhangers deviennent inoffensifs.

Cette quatrième saison sonne donc comme la tentative de résoudre une partie des problèmes soulevés. Seulement les auteurs prennent le problème par le mauvais bout. Plutôt que de calmer le jeu et poser les enjeux de ce nouveau concept, ils précipitent et jettent de l’huile sur le feu. Tentative de retrouver l’aspect urgentiste des débuts, mais avec un contexte qui aurait mérité davantage de retenue. Passée les séquences où l’on résume en une poignée de seconde ce que personne n’était parvenu à faire en trois saisons (à savoir arrêter tout le monde – ou presque, et les réunir sous le même toit), on nous inflige cette intrigue express. Les scénaristes veulent se faire pardonner du sur place de la troisième saison, mais confondent vitesse et précipitation. Prison Break fut dans ses deux premières saisons une course contre la montre, contre le temps. Parce que l’existence même du contexte imposait ce caractère. Mais quand il n’existe plus aucune raison native, cette distinction ne sert plus à rien et vient même contredire son emploie. Position bâtarde et délicate, que même le plus chevronné des équilibristes ne parviendrait à traverser.

Prison Break investit dans la culture de la surenchère. Principe qui traduit une nouvelle fois un aveu d’échec. Où il s’agit toujours d’aller plus haut, plus loin, plus fort (trinité des suites et remakes) sans regarder en arrière. Des œillères sur les yeux, on avance droit devant en tentant vaille que vaille d’éviter les obstacles. Seulement à oublier le passé, on finit par se renier. Et pervertir des éléments mis en place plus tôt, sans le moindre remord. Série capitaliste qui a toujours misé sur le profit direct que la réussite artistique. Ce penchant mercantile se trouve illustré par le retournement de situation au 04x12 et la résurrection maternelle au 04x16.

(A suivre...)

2009 mar. 20

Prison Break, chronique d'une chute (2nd partie)

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SYMBOLISME EPIDERMIQUE

Ce 04x01 donne dans la symbolique lourde : Sona réduit en cendre, assassinat provisoire et permanent (Gretchen, Wisthler), résurrection de Sarah. Ces trois éléments qui constituaient les principaux axes narratifs de l’année passée sont réduits à néants. Rarement une série aura abdiqué devant l’échec au point de le faire disparaître. Comme si la saison était traitée comme une simple ellipse que l’on exploiterait de temps à autre pour combler un vide. Mais la série va plus loin dans l’abnégation et la métamorphose : l’éradication du tatouage de M. Scofield. Ce motif qui avait fait de la série son principal gimmick est effacé. Puisqu’il n’apporte plus aucun prétexte narratif, les auteurs préfèrent l’annihiler. Nouvelle preuve d’une tentative de se poser sur de nouvelles bases. Principe valable s’il avait été associé à une refonte de son titre. Sans forcément changer le nom de la série, un tag supplémentaire aurait été judicieux. Où alors peut-on imaginer que malgré leur liberté, celle-ci n’est que purement théorique, où même à l’air libre, les détenus sont toujours prisonniers de quelque chose. La vie est une prison dont l’évasion est perpétuelle.

En enlevant le tatouage de Scofield, les scénaristes ont, semble-t-il, voulu affirmer que son personnage principal n’était pas (ou plus) le mec intelligent qui fait sortir son frère de prison. Alors que sa fonction était gravée jusque dans sa chair, on voudrait nous faire croire à une forme de réincarnation. Bien que l’idée en soit se défend, les auteurs, en reniant leurs origines, enlèvent un stigmate du show. Et par extension, amoindrissent le pouvoir d’évocation de son personnage principal : le martyr. Ils sont alors forcés de trouver un palliatif. Comme un lapin sorti de la manche d’un magicien, le voilà flanquer d’une tumeur au cerveau. Nouvelle preuve de l’échec artistique du show ; on créé une épée de Damoclès comme un deus ex machina, prétexte à suspense inutile et effet lacrymal de pacotille.

MISSION IMPOSSIBLE

Par le dispositif mis en place, les auteurs nous lancent un nouveau message : par l’intermédiaire d’un agent de la sécurité intérieure, le groupe d’évadés ont le choix entre participer à un vaste projet d’abattre la Compagnie ou retourner en prison. Par déduction, soit la série n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était, soit on se retrouve avec une saison trois bis, et un fumeux projet d’évasion. Une forme d’alibi qui excuserait toutes exagérations scénaristiques. De la série d’évasion, on passe au récit d’espionnage. Alors qu’Alias et Chuck ont fourni une relecture respectueuse pop et ludique, Prison Break invoque les fantômes de Mission Impossible. Avec sa structure centrée sur un homme-cerveau en mode commandé (Scofield/Phelps) et une poignée d’agents complémentaires à la fonction définie. Au de-là de l’aspect improbable de la situation, se trouve alors une nouvelle dynamique. Acte salvateur en puissance qui devrait sortir la série de son marasme.

(A suivre...)

2009 mar. 16

United States of Tara, je suis nous, nous sommes je

UST.jpg Certaines associations exercent un immédiat pouvoir de fascination. Steven Spielberg, que l’on ne présente plus. Et Cody Diablo, auteure du remarqué Juno. Du premier, on retient les thèmes que sont la cellule familiale, son fonctionnement, ses carences. De la seconde, on retient ses dialogues aiguisés comme des punch lines et une description de la jeunesse subversive dans le milieu américain moyen. Showtime est l’hôte de cette collaboration, dans un format de trente minutes, que la chaîne câblée affectionne (Weeds, Californication).

Tara souffre de troubles de la personnalité. Pas de schizophrénie, elle n’entend pas de voix dans sa tête. Elle incarne physiquement d’autres personnages : T. version délurée et trash d’une Tara de 16 ans enfermée dans un corps d’adulte ; Buck vétéran du Vietnam, macho passionné d’armes à feu ; Alice, desperate housewife sortie des sixties. La série pose alors le problème de cette maladie au quotidien. Comment elle affecte son mari, ses enfants, sa sœur ou son travail.

Le ton évolue entre comédie et drame. Il ne s’agit pas de minimiser la maladie mais de révéler son potentiel comique. Parce qu’il y a quelque chose de fondamentalement drôle à voir cette mère de famille se transformer en Buck, cigarette au lèvre et mater le cul des filles dans un langage plus que fleurie. Si chaque personnalité possède son propre code vestimentaire, Toni Collette parvient, par le jeu de son visage, à modifier son expression pour donner vie aux différentes incarnations. Les phases de transformation sont remarquables. Affaissement des lignes du visage, comme si tous ses muscles se décontractaient, puis, par un travail de remodelage, donner naissance au nouveau moi. Tara est un personnage rêvé pour toute actrice. Mais également un cadeau empoisonné. La série repose beaucoup sur son interprétation et ses capacités à doser son jeu. Toni Collette relève le défi haut la main, et voilà qui devrait (enfin) la révéler au grand public.

Une première et principale difficulté se pose : comment croire en l’existence de Tara avec toutes ses différences personnalités ? Il ne faut pas la noyer sous un déluge d’effets et transformations. Pour mieux ressentir son trouble et ses conséquences, les scénaristes doivent soigner la personnalité « hôte ». Les deux ou trois premiers épisodes nous confirment cette appréhension. Présentation des différentes personnalités, leur interaction sur l’univers de la famille (à la maison, l’école), mais de Tara, une seule petite introduction face caméscope sur sa difficulté à élever ses enfants et quelques apparitions trop succinctes. On peine à se sentir concerné et éprouver de l’empathie pour cette famille. Un tic d’écriture qui fonctionnait pour Juno et qui s’accorde mal avec le contexte. Il ne faudrait pas que le show au pitch original rejoigne le cimetière de ces séries au réel potentiel qui n’ont su transformer l’essai.

2009 mar. 14

Prison Break, chronique d'une chute (1ère partie)

Prison_Break.jpg
La quatrième saison de Prison Break offre un magnifique terrain d’analyses diverses mais convergeant en un seul point : son résultat catastrophique.




IL ETAIT UNE FOIS...

Son titre augurait un programme éphémère. L’évasion d’une prison. Formidable outil narratif et usine à de paroxystiques moments. Genre cinématographique par excellence (La Grande Evasion), elle tentait de s’inscrire dans l’engouement post-24 en étirant le déroulement du temps. Sans toutefois atteindre le temps réel, phénomène casse-gueule incompatible avec une évasion. Victime une première fois de son succès, voilà les scénaristes obligés de pousser l’exercice une dizaine d’épisodes supplémentaires. On y perd l’urgence matricielle et un volte face poussif, ce qu’on gagne en habile manipulation scénaristique qui consiste à tout reprendre depuis le début ou presque. Reload intramuros intéressant, et les scénaristes s’en sortent plutôt bien.

Mais la vie de scénaristes est parfois un éternel recommencement. Le projet se poursuit, malgré l’évasion du titre accomplie. On assiste alors à une des meilleures idées du moment : poursuivre l’aventure post évasion. On entre alors dans un événement intéressant : refonte totale de l’idée du show, mais dans la parfaite continuité. Comme raconter l’épilogue d’une histoire bouclée. Le fantasme du fan assouvi, qui voit se réaliser le vœu de pouvoir enfin savoir ce qui se passe après.

AUTOCOMBUSTION

La suite est une longue descente aux enfers. Un calvaire insurmontable. Pris dans une spirale sans fin, l’intrigue s’embourbe dans l’imbroglio conspirateur. Scofield contre le reste du monde. David contre Goliath. Tout comme X Files en son temps, pris en otage d’un dispositif pourtant auto-implanté, Prison Break devient un immense brouillon scénaristique. Un puis sans fond, fait de rebondissements factices comme autant de circonvolutions vaines. Les bras qui s’agitent d’un nageur en train de se noyer. On assiste impuissant et dépité au naufrage d’un concept fulgurant. Pris dans les mailles d’un filet, échoué sur l’autel du consumérisme. Celle qui fut consacrée par la presse et le public, rejoint les limbes de ces séries à combustion spontanée vouées à devenir un vulgaire feu de paille.

Lorsque la quatrième saison débute, on sent comme une volonté de la part des auteurs d’oblitérer la précédente. De sinistre mémoire, elle imposait un certain caractère conclusif. Alors cette saison 04, remake de la saison 02, comme la 03 était celle de la première ? Ce traitement en boucle comme nouvelle preuve d’un appauvrissement scénaristique supplémentaire. Tout commence donc, par un résumé en voix off. On affiche la décision de repartir de zéro, en usant du passé comme la création du contexte. Trois années réduites à quelques lignes sur un scripte. Avec en conclusion l’ironique sentence : tout finit aujourd’hui (aveu, regret des auteurs ?).

(A suivre...)

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